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mercredi, 25 juin 2008

Discrimination positive : Tais-toi, l’AGRIF !

Article de Jeanne Smits publié dans le quotidien Présent

images.jpg2 500 euros de dommages et intérêts. Dans l’affaire qui oppose l’AGRIF (Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne) au patron de L’Oréal, Jean-Paul Agon, la XVIIe chambre correctionnelle du tribunal de Paris est bien entrée en voie de condamnation… mais pour « poursuite abusive ». Une association antiraciste qui ose défendre l’égalité des droits des Français et des étrangers, qui ose demander raison d’une politique d’embauche défavorable aux autochtones mérite d’être punie. Pour qu’elle ne recommence pas, surtout. Pour qu’elle se taise.

Jean-Paul Agon, piqué à vif par la condamnation d’une de ses filiales, les Laboratoires Garnier, pour « discrimination à l’embauche », avait déclaré au Monde le 13 juillet 2007 qu’à L’Oréal, lorsqu’on rencontre « un candidat qui a un prénom d’origine étrangère, il a plus de chance d’être recruté que celui qui porte un prénom français de souche ». Mouloud plutôt que François…

Cette phrase vous choque-t-elle ? Il semble qu’elle ait choqué aussi l’Agence France-Presse, qui, rendant compte du jugement déboutant l’AGRIF de ses poursuites, a préféré carrément la passer sous silence. Sa dépêche ne retient que celle-ci : la réponse de Jean-Paul Agon à la question de savoir si L’Oréal faisait de la discrimination positive. « Oui, d’une certaine manière. Et nous l’assumons. »

Lors de l’audience (voir notre compte-rendu dans Présent du 17 mai dernier), aussi bien l’avocat de Jean-Paul Agon, Jean Veil (fils de Simone) que celui du Monde s’étaient montrés gênés aux entournures, évitant de revendiquer un « droit » à la discrimination positive, inquiets de se voir condamner pour ce qui révèle objectivement un appel à la différence de traitement entre plusieurs catégories de la population.

Les juges de la XVIIe n’ont point eu de ces prudences. Pour eux, Jean-Paul Agon avait fait plutôt preuve d’« une volonté de rétablir un équilibre qui se trouve compromis, en favorisant ceux qui sont ordinairement victimes de discriminations prohibées ».

En quelques mots, le tribunal a fracassé le principe de l’égalité devant la loi. C’est à ce prix seulement qu’on peut justifier la discrimination positive. A ce prix que l’on peut blanchir celui qui préfère Mouloud à François, tout en punissant toujours celui qui voudrait donner plus de chances à François qu’à Mouloud.

Le jugement n’a rien de politiquement étonnant : il s’inscrit dans le droit fil de la volonté présidentielle. Et, sur le plan juridique, dans une parfaite conformité avec un droit européen qui devient de plus en plus présent.

Le prix de la non-conformité de l’AGRIF à ce nouveau principe a donc été fixé à 2 500 euros. On n’a pas le droit de dénoncer une politique de « l’action positive », surtout lorsqu’elle est menée par une entreprise comme L’Oréal. Tabou !

(Mais ajoutons que L’Oréal craignait tout de même pour son image. A preuve, la présence d’une chargée de la communication du groupe au procès, venue distribuer à la presse qui n’était pas là des communiqués pour expliquer et minimiser la portée des propos de son patron… C’est que L’Oréal a aussi des clients et clientes d’origine française !)

L’AGRIF, cela va de soi, fait appel.

• AGRIF, 70, boulevard Saint-Germain, 75005 Paris.

 

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