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mardi, 23 février 2016

En Saxe, on attaque les réfugiés

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                   À Bautzen, un foyer destiné à accueillir prochainement des migrants a été incendié. Photo AFP

 

Les migrants ne sont pas les bienvenus en Saxe, ancien Land de RDA. Rien que le week-end dernier, un foyer de réfugiés a été incendié sous les applaudissements de la foule et un bus a été encerclé. La montée de l’extrême droite inquiète Berlin et la population des Länder de l’Ouest.

La fin de semaine a été sinistre dans la région de Dresde, et le choc traverse l’Allemagne. Jeudi soir, des manifestants anti-migrants, hurlant des slogans racistes, ont monté une embuscade pour stopper un bus de réfugiés. Et dans la nuit de samedi à dimanche l’incendie d’un futur centre d’accueil a donné lieu à des scènes de joie. « Quelque chose ne va pas en Saxe », dit Aydan Özoguz, ministre fédérale chargée de l’intégration.

Des femmes qui crient, des enfants en larmes et la police qui les fait descendre brutalement au milieu des manifestants. Sur la bande-son de cette vidéo tournée jeudi soir à l’arrivée d’un bus de réfugiés dans le village de Clausnitz, au sud de Dresde, on entend la foule hurler des slogans racistes. Puis laisser éclater sa joie quand les policiers emploient la force.

Depuis, on a appris que l’organisateur de ce comité d’accueil était le frère du responsable du foyer. Lui-même a sa carte à l’AFD, parti populiste anti-migrants qui s’envole dans les sondages dans la région (entre 15 et 20 %).

« Un week-end ordinaire »

À cent kilomètres plus à l’est, la petite ville de Bautzen (41 000 habitants) : samedi soir, le toit du futur centre pour réfugiés part en fumée sous les hourras des badauds ; certains entravent le travail des pompiers.

Cette même nuit, dans une commune voisine, trois hommes masqués attaquent le propriétaire d’un restaurant turc ; dans un village, un individu portant une moustache à la Hitler s’en prend à deux Afghans.

« Un week-end ordinaire en Saxe », note le Spiegel. Le petit Land tout à l’est de l’Allemagne concentre à lui seul un cinquième des crimes racistes recensés l’an dernier.

« On était en vase clos »

Le sociologue Dietrich Hermann, de la Technische Universität de Dresde, y voit le résultat d’une culture politique propre. La région très fière de son identité s’est reconstruite après-guerre dans le culte de la victimisation, montant au pinacle le martyre de Dresde rasée par les alliés. « Ce n’est pas anecdotique de rappeler que c’était la seule zone de RDA où l’on ne captait pas la télé de l’Ouest. On était en vase clos. »

La mondialisation a tout bouleversé, rappelle l’ancien président du Bundestag Wolfgang Schäuble, lui-même « Ossi ». « Les brusques changements des 25 dernières années ont fragilisé les grands principes moraux. » Armin Laschet, vice-président de la CDU, n’hésite pas à provoquer : « L’intégration de certains Allemands à notre culture porteuse d’humanité, de respect, de décence, a clairement échoué. »

La CDU devrait balayer devant sa porte, pointe Dietrich Hermann qui rappelle qu’en Saxe le parti est au pouvoir sans interruption depuis la réunification. En 2007, quand on assiste à une chasse à l’homme contre un groupe d’Indiens dans un village, le ministre de l’Intérieur estime que « ce n’est pas parce que des slogans racistes ont été prononcés qu’il faut parler de crime d’extrême droite ». Il n’y a eu aucune condamnation dans cette affaire. En 2011, le scandale de la cellule néonazie NSU, qui a abattu de sang-froid neuf étrangers, a mis au jour de graves compromissions entre police et milieux d’extrême droite. Sans réelles conséquences à ce jour.

Certes, l’actuel ministre-président, Stanislaw Tillich, a dénoncé les dérapages de Clausnitz et Bautzen : « Ceux qui font ça sont des criminels. » Mais il a fallu attendre dimanche pour qu’il prenne la parole. Trop tard, selon le ministre fédéral de la justice, Heiko Maas (SPD) qui redoute « qu’il y ait un mort. » Pour l’instant la chancelière n’a réagi que par la voix de son porte-parole Steffen Seibert : « Honteux », il a dénoncé des actes « lâches et sans cœur ». Mais l’affaire ébranle si profondément l’Allemagne qu’Angela Merkel ne pourra pas se taire longtemps.

Hélène Kohl

Source : L'Alsace

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