jeudi, 25 février 2016
Algérie : cette guerre qui menace
Il y a maintenant deux ans, j’écrivais un article, en forme de bouteille à la mer, pour Boulevard Voltaire intitulé « Printemps algérien en vue, une catastrophe pour la France ? » Des troubles naissaient alors en Algérie, suite à la nouvelle élection d’Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays. Loin de s’être arrangée, la situation du pays s’est, depuis, dégradée. En cause, notamment, la chute des cours des matières premières. Les rentes de gaz et de pétrole (60 % des recettes budgétaires d’Alger) ne rapportent plus autant qu’auparavant et la gérontocratie algérienne ne peut plus calmer la population en l’arrosant d’allocations diverses.
Mohamed Benchicou, ancien directeur du journal Le Matin, estime que l’Algérie est au bord d’une faillite qui « engendrerait le chaos et pousserait les Algériens à fuir vers l’Europe ». Une situation qui n’est pas souhaitable des deux côtés de la mer Méditerranée. Pire : l’Algérie partage une frontière avec la Libye, actuellement en guerre civile suite à la funeste opération de « démocratisation » voulue par Nicolas Sarkozy et son visiteur du soir, l’« intellectuel » Bernard-Henri Lévy.
Les forces de l’État islamique se sont considérablement renforcées lors des derniers mois, et certaines zones libyennes menacent de basculer sous le joug des armées du califat. Boualem Sansal, auteur du roman d’anticipation 2084 – La fin du monde, grand prix du roman de l’Académie française pour l’année 2015, déclarait hier au Figaro qu’un « scénario d’une escalade de la terreur sur le modèle syrien » lui paraissait tout à fait crédible. Je fais mienne sa déclaration et suis au regret de constater que ce que je prévoyais il y a deux ans pourrait n’être que modéré par rapport à ce qu’il se prépare.
Si l’Algérie aurait pu avoir vocation à être un point d’équilibre dans le monde arabe et la région, certains défauts structurels sembleraient plutôt la précipiter dans le chaos. Le contexte international n’aide pas, mais l’Algérie doit au plus vite parer à ces funestes éventualités en procédant à son examen critique.
L’argent du pétrole n’a pas été investi pour moderniser le pays et lui donner une économie diversifiée capable de lui permettre d’affronter les transformations mondiales. L’Algérie est un pays riche et jeune aux institutions hors d’âge. Abdelaziz Bouteflika a livré les pauvres aux islamistes qui se substituent parfois à l’État, à l’image de ce qu’il se produit dans quelques zones de non-France dans l’Hexagone. Que se passera-t-il lorsque Bouteflika mourra ? La continuité institutionnelle ne semble pas assurée et les divisions profondes des diverses sensibilités pourraient se faire jour dans une cruelle guerre de succession.
Inflation, austérité, panne de l’ascenseur social et baisse du pouvoir d’achat entraînent une grogne sociale de plus en plus vive. Sans oublier les tensions multiples entre la communauté amazighe, souvent méprisée, et le pouvoir. La moitié des 40 millions d’Algériens ont aujourd’hui moins de 19 ans. Ils sont nombreux à rêver de s’installer en Europe, ce que nous ne pouvons pas permettre. Ils sont nombreux, aussi, à profiter de la crise migratoire pour s’infiltrer dans les filières des « migrants ». En témoignent les violeurs arrêtés à Cologne, parmi lesquels figuraient plusieurs jeunes Algériens.
Diriger, c’est prévoir. Le danger que fait planer l’explosion hallucinante de la démographie africaine est multiplié par plusieurs phénomènes contemporains : la vivacité de l’islam de combat, la chute du prix des matières premières, les populations immigrées non assimilées en France et en Europe, le laxisme et l’impuissance des autorités européennes, l’absence de frontières intra-européennes. Un printemps algérien serait une immense catastrophe. Nous devons nous y préparer dès maintenant pour éviter le pire.
Gabriel Robin
09:47 | Lien permanent | Commentaires (0)
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