mardi, 01 mars 2016
La Cour pénale internationale juge pour la première fois un djihadiste
Certains Français qui ont pu être impliqués dans des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre à grande échelle au sein de Daech pourraient être poursuivis par la Cour pénale internationale (CPI).
Ahmad al-Mahdi, ayant joué un rôle majeur à Tombouctou au sein du groupe djihadiste d’Ansar Eddine, est suspecté de crimes de guerre pour la destruction de neuf mausolées et de la mosquée Sidi Yahia à Tombouctou, entre le 30 juin et le 10 juillet 2012. L’audience de confirmation des charges s’ouvre le 1er mars à la Cour pénale internationale (CPI). C’est un procès décisif, car ce sera la toute première fois que les juges de la CPI se prononceront sur la destruction d’édifices religieux.
Cette annonce arrive au moment où le rôle de la CPI, créée par le statut de Rome en 2002 pour statuer sur le sort des personnalités mondiales accusées d’avoir commis des crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides et crimes d’agression à grande échelle, est aujourd’hui décrié, principalement en Afrique. Et pour cause : les individus jugés ou recherchés à ce jour par la CPI, dont des chefs d’État, sont pour la plupart originaires du continent africain. Lors du dernier sommet de l’Union africaine, les dirigeants africains ont soutenu une initiative kényane prévoyant « l’élaboration d’une feuille de route pour un retrait de la CPI », adoptée à huis clos. Ce serait une régression dont la CPI ne se remettrait pas. Malgré la nomination en 2012 d’un procureur africain, la Gambienne Fatou Bensouda, la position de la CPI est fragilisée par l’absence des USA, de la Russie, de la Chine et d’Israël dans l’assemblée des « États parties ».
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En avril 2015, le procureur de la CPI a déclaré que, depuis l’été 2014, son Bureau reçoit et examine des renseignements à propos d’allégations préoccupantes concernant des atrocités commises de façon généralisée par le prétendu État islamique d’Irak et du Cham/Grande Syrie. Cependant, ni la Syrie ni l’Irak ne sont parties prenantes au statut de Rome. Par conséquent, la Cour n’a pas de compétence ratione loci [en raison du lieu, ndlr] s’agissant des crimes commis sur leur territoire. Le procureur précisait que, cela étant, il peut exercer sa compétence ratione personae [en raison de la personne, ndlr] à l’égard des auteurs présumés de crimes s’ils sont ressortissants d’un État partie, en concentrant son action sur les personnes qui portent la responsabilité la plus lourde dans les crimes commis à grande échelle.
Des milliers de combattants étrangers ont rallié les rangs de l’organisation État islamique. Parmi eux figurent un nombre important de ressortissants d’États parties, dont des Français. Les renseignements dont dispose le Bureau indiquent également que l’État islamique est une organisation militaire et politique dirigée principalement par des ressortissants irakiens et syriens. Partant, à ce stade, les chances de pouvoir enquêter et poursuivre les personnes qui portent la responsabilité la plus lourde au sein de la direction de l’État islamique semblent très minces et le fondement juridique nécessaire pour procéder à un examen préliminaire est trop étriqué.
Toutefois, précise le procureur, si les États en cause renouvellent leur engagement et prennent conscience de l’urgence de la situation, des solutions seront peut-être envisageables. C’est un appel du pied auquel la France devrait répondre si nous avons ou quand nous aurons des ressortissants djihadistes au sein de Daech susceptibles de correspondre aux critères de la CPI. Même s’il convient de rappeler qu’au regard du statut de Rome, il incombe en premier lieu aux autorités nationales d’enquêter sur les crimes commis à grande échelle et de poursuivre leurs auteurs, en se dessaisissant des dossiers les plus lourds au profit de la CPI, la France s’honorerait de faire avancer le droit pénal international.
Philippe Franceschi
07:37 | Lien permanent | Commentaires (0)
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