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vendredi, 11 mars 2016

Il s’agit d’encadrer notre sortie de l’Histoire

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La crise des migrants, largement entretenue par les États-Unis et les pétromonarchies en Syrie et en Irak, est l’occasion d’une relance de la politique néo-ottomane d’Erdoğan, un temps freinée par la reprise en main militaire des « printemps arabes ».

Autrement dit : développement de foyers d’instabilité ; intensification des attaques contre l’éternel front « romain » de la Turquie usant du chantage à l’arme migratoire ; tandis que l’Allemagne demeure à l’évidence le pivot stratégique de Washington en Europe. Une coordination d’acteurs à l’identité distincte, unis par une même conclusion : l’affaiblissement des Européens, en tant que tels, est l’enjeu principal de cette crise, y compris pour cet « astre noir » du continent qu’est l’Allemagne.

Postulons que l’Europe fait face à une guerre d’un nouveau type, qui vise non plus la destruction directe des ressources humaines, des infrastructures matérielles, ni même la distorsion des superstructures idéologiques (cas de la guerre froide), mais la neutralisation dans la longue durée et de l’un et de l’autre, par un travail de sape de ses fondements.

 Qui est attaqué ? Non seulement l’Europe comme réalité actuelle, mais l’Europe comme potentiel. C’est l’ensemble des potentialités représentées par la qualité des hommes, par la qualité des terres et des acquis techniques, par la qualité de nos sources culturelles (Athènes, Rome, Jérusalem, en un triptyque classique et toujours fécond). Ces potentialités qui permettent au cap européen de se manifester régulièrement, dans la longue durée et sous des formes politiques diverses, comme l’un des rares lieux de la puissance.

L’arrivée massive de migrants, outre la mise à jour de fractures politiques continentales latentes, devrait modifier en profondeur le paysage humain et civilisationnel de l’Europe (Caldwell), bien au-delà de la condamnation de l’État-providence. Sous l’écume, 2016 pourrait faire suite aux étapes qui scandent depuis plus de deux siècles l’opposition d’un principe de souveraineté européenne et d’un ordre mondial impliquant notre commune neutralisation : 1812-1815, 1914, 1940-1945.

Désormais, il peut s’agir pour la puissance dominante mondiale, non européenne, d’en finir avec son durable concurrent : 2016 prépare ainsi les trente prochaines années, et la certaine explosion démographique de l’Afrique, et le futur choc euro-méditerranéen. Lorsque l’Europe sera vieille et divisée, donc « impolitique » (Freund).

 Bien au-delà d’affrontements pour les nouvelles routes de l’énergie, de la paralysie temporaire des Européens (Brexit, résurrection du groupe de Visegrád), il s’agit d’encadrer notre sortie de l’Histoire.

Assez pour que nous ne puissions pas affronter l’avenir comme puissance, nous préservant assez pour que nous puissions appuyer les politiques de puissances étrangères et absorber leur surplus de production ou leurs diasporas (de la lutte contre le blocus napoléonien au TAFTA).

Benjamin Wirtz

Source : Boulevard Voltaire

 

 

 

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