Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 15 mars 2016

Après janvier 2015, Bernard Cazeneuve a-t-il sous-évalué le risque d’attentats ?

successeur-de-Cahuzac-1550x660.jpg

Auditionné le 7 mars par la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est borné à justifier le bien-fondé de sa politique, drapé dans ses certitudes.

Pour lui, jamais la réponse de l’État n’a été aussi forte depuis 2012. À la question de savoir pourquoi le gouvernement avait attendu les attentats du 13 novembre pour déclencher l’état d’urgence, le ministre a répondu que les conditions juridiques n’étaient pas réunies pour mettre en œuvre l’état d’urgence après les attentats de janvier 2015.

L’argument ne tient pas à l’analyse de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence, sauf à reconnaître qu’il y a eu une sous-estimation du risque.

Explications : l’article 1 de la loi de 1955 dit que l’état d’urgence peut être déclaré « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Bernard Cazeneuve a une lecture, a posteriori, restrictive du « péril imminent ». Il considère qu’après la neutralisation des frères Kouachi et de Coulibaly, le risque de réitération était faible, le péril imminent ayant disparu.

A contrario, après la tuerie de masse du 13 novembre, des terroristes sont encore en fuite à ce jour, ce qui justifie l’existence d’un péril imminent.

On peut et on doit avoir une lecture plus large de la notion de péril imminent et considérer que les attentats de janvier auraient dû nous faire entrer dans une phase de forte intensité du risque terroriste, justifiant des mesures de l’état d’urgence. La succession des attentats ou tentatives d’attentats de l’année 2015 donne tort au ministre de l’Intérieur.

Il est difficile, pour Bernard Cazeneuve, de reconnaître que le risque terroriste a été sous-évalué et d’en expliquer les raisons, alors même que, selon lui, des mesures ont été prises afin d’améliorer la coordination entre les services de renseignement, ainsi qu’entre ceux-ci et les services d’investigation judiciaire.

Pourtant, nombre de spécialistes interrogés par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les réseaux djihadistes au premier semestre 2015 soulignaient que la question n’était pas de savoir si on allait avoir un nouvel attentat mais de savoir où et quand.

Avons-nous fait le maximum pour éviter cela ? Peut-être qu’avec le déclenchement de l’état d’urgence dès janvier 2015 et en secouant le cocotier, les services de renseignement auraient pu recueillir des éléments utiles et influer sur le cours des choses…

Le ministre s’est réfugié dans un autre argument fallacieux en indiquant qu’aucun député n’avait demandé l’instauration de l’état d’urgence après le 7 janvier 2015, alors que cela relève de la responsabilité unique de l’exécutif, garant de notre légitime défense collective.

Durant son audition, Bernard Cazeneuve est donc resté dans la posture et le non-dit, à la fois lié et protégé par le secret de l’instruction et par le secret défense. Les auditions des responsables policiers et gendarmes les 9 et 10 mars n’ont pas été publiques. Il en sera de même pour celles des services de renseignement prévues au mois de mai.

Nous resterons donc sans doute dans l’ignorance sur le fond. La vrai question est : avons-nous aujourd’hui suffisamment augmenté notre niveau de prévention des risques d’attentats ?

Philippe Franceschi

Boulevard Voltaire

 

 

Les commentaires sont fermés.