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mercredi, 23 mars 2016

Après les attentats: Bruxelles ma belle, debout malgré la douleur qui t'étreint!

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Notre contributeur, le philosophe Daniel Salvatore Schiffer, vit à Bruxelles. Dans cette tribune, il dit sa douleur, sa colère et ses espoirs pour sa ville, touchée ce mardi par une série d'attentats, "capitale de l'Europe" particulièrement "cosmopolite, ouverte et tolérante".

Comment dire l'indicible? Comment penser l'impensable? La barbarie, décidément, n'a pas, dans son horreur, de limites: après les terribles attentats de Paris, le vendredi 13 novembre 2015, c'est la capitale même de l'Europe, symbole du monde moderne, libre et démocratique, qui vient d'être ensanglantée ce mardi, quatre jours seulement après l'arrestation de Salah Abdeslam, dans la tristement célèbre commune de Molenbeek, par une autre vague terroriste, d'une violence tout aussi inouïe.

Le bilan, au moment où j'écris ces lignes est déjà extrêmement lourd: 35 morts, dont une quinzaine à l'aéroport national de Zaventem et une vingtaine dans la station de métro de Maelbeek (située dans le quartier européen), ainsi que près de deux cents blessés, dont plusieurs dizaines très gravement atteints.

C'est, après la fusillade du Musée juif, advenue le samedi 24 mai 2014, la deuxième fois déjà, en moins de deux ans, que Bruxelles, ville cosmopolite, ouverte et tolérante, se voit confrontée, de la manière la plus tragique qui soit, à ce qui apparaît là comme l'une des pires formes, via l'islamisme radical, du fanatisme religieux, renforcé ici par un non moins abominable totalitarisme idéologique, en ce qu'il a de plus dément, irrationnel, abject, lâche et rétrograde tout à la fois.

Les fous d'Allah

C'est déjà à ces dangereux fous d'Allah, lesquels croient stupidement gagner ainsi quelque hypothétique paradis, que le philosophe Emmanuel Levinas pensait lorsque, comme anticipant cette dramatique actualité, il adressait, dans un essai intitulé Difficile Liberté (1), cette critique, aujourd'hui plus nécessaire que jamais: "Rien n'est plus équivoque que le terme de vie spirituelle. Ne pourrait-on pas le préciser en en excluant tout rapport de violence?".

Il y précisait aussitôt, toujours à bon escient: "Mais la violence ne se trouve pas seulement (...) dans un État totalitaire qui avilit ses citoyens, dans la conquête guerrière qui asservit les hommes. Est violente toute action où l'on agit comme si le reste de l'univers n'était là que pour recevoir l'action." Avant de conclure, non moins judicieusement: "Le violent ne sort pas de soi. Il prend, il possède. La possession nie l'existence indépendante. Avoir, c'est refuser l'être".

C'est là ce que Jean Soler, autre penseur contemporain, même s'il s'inscrit certes en un tout autre registre conceptuel, appela, ainsi que l'indique sa principale oeuvre critique à ce sujet, la "violence monothéiste", à exclure de toute urgence, bien évidemment, de la pensée religieuse correctement entendue.

Résister au fascisme vert

Ainsi, à ces barbares d'un autre âge, n'avons-nous, hommes et femmes de bonne volonté, qu'un seul mais inébranlable mot d'ordre à faire valoir, signe d'un indéfectible ralliement aux victimes de tout intégrisme, en guise d'ultime mais définitive réponse: ces odieuses méthodes, qui sont celles de purs et simples criminels, n'entameront en rien, bien au contraire, notre volonté de résister à ce nouveau type de fascisme... le fascisme vert de l'État Islamique, après la peste brune d'Hitler et autres chemises noires de tout aussi sinistre mémoire.

Bruxelles, ma belle, debout donc, encore et toujours digne, malgré ta douleur, tes blessures, tes morts et ton deuil: l'humanité, certes, pleure ces innocentes victimes; mais les inaliénables valeurs de notre humanisme, quant à elles, n'en restent pas moins bien vivantes en nos coeurs, infailliblement chevillées à nos âmes, fussent-elles, aujourd'hui, en peine.

1. Emmanuel Levinas, Éthique et Esprit, in Difficile Liberté, Albin Michel, coll. Biblio Essais, Paris, 1963 et 1976, p. 18.

Daniel Salvatore Schiffer

Source : L'Express

 

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