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mercredi, 23 mars 2016

La Belgique, foyer du djihadisme en Europe

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Le pays affiche le plus grand nombre de combattants en Irak et en Syrie par rapport à sa population.

Une singularité qui peut s’expliquer par l’exclusion sociale et l’influence de l’Arabie saoudite sur l’islam outre-Quiévrain.

Comment la Belgique, discret acteur dans les affaires du monde qui vit à l’ombre des grandes puissances du Vieux Continent, est-elle devenue un repaire européen du djihadisme ? D’après les chiffres, elle est le pays d’Europe qui fournit le plus grand nombre de combattants étrangers en Irak et en Syrie par rapport à sa population (40 pour un million d’habitants contre 18 pour la France sur l’année 2014).

Elle a aussi servi tantôt de base arrière, tantôt de foyer de radicalisation à des terroristes dont les noms sont désormais associés aux attentats de Paris, en novembre et janvier 2015, à celui du Thalys, en août 2015, ou même de Madrid, en mars 2004.

Les causes s’enchevêtrent au point qu’il est impossible de déterminer leur part. Sur le terrain socio-économique d’abord, la communauté musulmane, d’où proviennent la plupart des djihadistes, vit nettement moins bien que le reste de la population en Belgique. Le taux de chômage parmi les Maghrébins de Belgique atteint ainsi 25,5 %, contre 8,5 % pour l’ensemble (les statistiques dites « ethniques » sont autorisées dans le royaume). Il avoisine même les 50 % chez les jeunes Maghrébins.

Un terreau sans espoir

« Cette situation engendre le sentiment d’être rejeté en tant que citoyen et de ne pas avoir d’avenir en Belgique, estimeRik Coolsaet, professeur à l’Université de Gand et spécialiste du djihadisme. C’est le principal moteur du djihad. Pour ces jeunes, il représente une forme de sublimation de leur vie. »

Sur ce terreau sans espoir, la radicalisation peut prendre vite. « Tous les parents parlent d’une radicalisation qui s’est opérée en quelques mois, indique Alexis Deswaef, avocat du collectif « Les parents concernés », qui réunit une quinzaine de pères et de mères dont les enfants sont partis combattre en Syrie. Ils mentionnent un retour du religieux et une fréquentation plus assidue de la mosquée, mais ce n’est pas pour cela que leurs enfants sont devenus de grands spécialistes de l’islam. »

Partagées par plusieurs pays d’Europe, dont la France, de telles conditions ne suffisent pas à expliquer la singularité belge. « La problématique discriminatoire est bien là, mais elle n’explique pas tout », assure Michaël Privot, islamologue à Bruxelles. L’influence saoudienne a donné un tour radical à une partie de l’islam en Belgique.

Promotion d’un islam wahhabite plus conservateur

Celle-ci a été favorisée par les liens développés entre Riyad et le roi Baudoin qui, pour des raisons surtout économiques, a accordé à l’Arabie saoudite un bail emphytéotique de 99 ans sur la Grande mosquée de Bruxelles, en 1967. À l’époque, la communauté musulmane se développe en Belgique avec une immigration de travail, en provenance du Maroc essentiellement.

« Les autorités religieuses des pays d’origine avaient peine à s’organiser dans les pays d’expatriation, explique Michaël Privot. La Grande mosquée a donc comblé un vide et est devenue une référence. Elle a distribué des corans dans toutes les langues, publié des textes sur les droits de la femme, sur les règles de la prière et diffusé un islam wahhabite, donc très conservateur. » Cet islam propose une vision différentialiste du monde, où les non musulmans n’ont pas la même valeur que les autres.

Sa propagation est favorisée par la solidité des liens communautaires en Belgique. « Les communautés musulmanes, et marocaines surtout, sont très maillées en Belgique, indique Michaël Privot. Les habitants d’un même quartier ont souvent la même ville d’origine, au Maroc. Ainsi, personne, dans la communauté, n’est à plus de deux ou trois poignées de main. » La mosquée n’est plus l’unique espace de radicalisation. « Il suffit de parler en famille, avec des voisins, ajoute Michaël Privot. On est dans la création d’un récit communautaire. »

Les critiques à l’encontre de l’influence saoudienne sur l’islam en Belgique se sont amplifiées au sein de la classe politique après les attentats de Paris. Ceux de mardi, à Bruxelles, leur donneront sans doute plus de poids encore.

Marianne Meunier

Source : La Croix

 

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