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jeudi, 31 mars 2016

Les Molenbeek à la française : quand Manuel Valls profère des âneries

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Le ministre de la Ville Patrick Kanner a donc lâché cette vérité qu’il faudrait taire à tout prix : la France compterait une « centaine » de quartiers similaires à celui de Molenbeek, à Bruxelles, soit des nids de djihadistes en herbe.

Notre Premier ministre a aussitôt froncé ses sourcils broussailleux et déclaré mardi, lors de la réunion des élus du groupe socialiste, que « la comparaison avec Molenbeek n’est pas bonne, car Molenbeek est un quartier en plein centre-ville de Bruxelles », contrairement à nos abcès de radicalisme qui, eux, seraient cantonnés aux banlieues françaises.

Monsieur Valls est un tartuffe ou un incompétent, c’est selon. Car s’il est vrai que « nos » Molenbeek sont plus souvent à la périphérie des villes qu’en plein centre, cela ne change rien à l’affaire : les quartiers en voie de radicalisation sont des quartiers en voie de radicalisation ! Et on en trouve aussi dans les campagnes ! Mais que Manuel Valls se méfie toutefois, car lorsqu’on observe la communautarisation à outrance de certains quartiers parisiens, il se pourrait bien que la comparaison avec Molenbeek soit plus judicieuse qu’il ne le prétend.

La réalité est que notre Premier ministre ne connaît pas Bruxelles. Ou du moins connaît-il une ville qui n’est pas celle du commun. Il connaît le Bruxelles des institutions européennes, les quartiers riches des expatriés, la ville des « navetteurs », comme on les appelle là-bas ; soit les quelque 400.000 personnes qui viennent travailler chaque matin dans cette cité à l’urbanisme délirant 1 et s’en retournent chaque soir dans leurs banlieues tranquilles et cossues, en Flandre ou en Wallonie.

En 2013, bien avant Charlie et le Bataclan, Jean Quatremer (correspondant de Libération à Bruxelles) avait déclenché une vive polémique en décrivant une « Bruxelles pas belle » qu’il qualifiait de « congestionnée, incohérente, paralysée et sale… ». Avant que n’aient poussé les pains de sucre des tours vitrées, c’est en effet la vision qu’on avait en débarquant du Thalys. Comme le confiait alors à Slate.fr un géographe de l’Université libre de Bruxelles (ULB), il n’y a pas à Bruxelles de banlieues chaudes car la structuration de la ville s’est faite « sur un modèle très éloigné des villes françaises ». « Il n’y a pas eu, en Belgique, de politique des grands ensembles dans l’après-guerre. Historiquement, les quartiers populaires et ouvriers se situent au centre, à l’ouest et à l’intérieur du centre-ville », soulignait-il.

Ce qu’on appelle là-bas « le croissant pauvre », celui des quartiers populaires, abrite une majorité d’habitants d’origine immigrée, souvent venus du Maroc ou de Turquie. « À l’ouest, les pauvres, donc. Quant aux riches, ils vivent à l’est et ont investi le sud de la ville, et notamment la commune d’Uccle, là où Bernard Arnault a son pied-à-terre. Une immense majorité des 53.000 Français de Bruxelles se sont d’ailleurs installés dans ces quartiers tranquilles », les seuls, à l’évidence, que connaît M. Valls.

La « gentrification » qui transforme Paris à marche forcée, notamment depuis que la gauche gère la mairie, tente de chasser les petits revenus de la capitale. Bientôt, on ne trouvera plus intra-muros que des bobos CSP++ et des quartiers fortement « ghettoïsés », pour reprendre un mot cher à Manuel Valls.

Que le Premier ministre aille donc faire un tour à Château Rouge ou à la porte de Clignancourt et on en reparlera.

Notes:

  1. Plus de 13 m2 de bureaux par habitant contre 3 à Paris, dont les 100.000 m2 construits récemment pour « nettoyer » les zones pourries autour de la gare du Midi.

Marie Delarue

Source : Boulevard Voltaire

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