Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 17 avril 2016

Réfugiés : Angela Merkel reprend la main

ada7e041411312cedf43ee13ddb1d552.jpg

Editorial du « Monde » On connaissait le slogan d’Angela Merkel sur sa politique d’asile : « Wir schaffen das » (« on va y arriver »). Mais jusqu’à présent, nul ne savait comment la chancelière comptait s’y prendre. Elle a apporté une première réponse, jeudi 14 avril, après une nuit de négociations avec ses alliés sociaux-démocrates (SPD) et les chrétiens-sociaux de Bavière (CSU). Celle-ci tient en deux mots jumeaux, que seul un tréma distingue : « fördern und fordern » : « exiger et encourager ».

Apprentissage de la langue et formation

Le plan d’intégration part d’une hypothèse pertinente : une grande partie des réfugiés resteront en Allemagne, même après la guerre en Syrie. Les Allemands ne comptent pas sur un retour massif, comme le firent les Bosniaques après la guerre en Yougoslavie dans les années 1990. Ils ne font plus la même erreur que celle commise dans les années 1960, lorsqu’ils crurent que les immigrés turcs n’étaient que des travailleurs invités (Gastarbeiter), appelés à rentrer promptement en Anatolie.

Forts de ce constat, les Allemands vont faire un effort massif sur l’apprentissage de leur langue et la formation, clés d’entrée sur le marché du travail. Les illusions de l’automne, qui donnaient le sentiment que les réfugiés syriens étaient tous ingénieurs ou médecins, se sont dissipées. Il faut former et adapter les nouveaux venus. L’affaire tombe d’autant mieux qu’environ 40 000 places d’apprentissage sont vacantes outre-Rhin.

Ensuite, le marché du travail sera ouvert aux réfugiés. Dans les régions les plus prospères, qui jouissent du plein-emploi, le chef d’entreprise n’aura pas à vérifier au préalable que le poste peut être pourvu par un Allemand. Par ailleurs, quelque 100 000 emplois seront créés pour eux. Il s’agira essentiellement de travaux d’intérêt général – les fameux jobs à 1 euro, ce qui ne veut pas dire que les aides aux réfugiés ne demeurent pas. Mais c’est aussi un pari : ces emplois sont censés servir de tremplin et non de voie de garage.

La contrepartie est assez exigeante. Les réfugiés devront résider dans des localités désignées par les autorités, pour éviter une trop forte concentration dans les grandes villes ; l’octroi de permis de séjour et d’aides sera fonction des efforts d’intégration accomplis.

Des critiques se font déjà entendre : les capacités des écoles de langue seraient dépassées. Débordée, l’administration allemande serait largement responsable des difficultés d’intégration. Il n’empêche, l’Allemagne propose au million de réfugiés un donnant-donnant crédible et généreux, pour un coût de plus de 10 milliards d’euros par an.

Après des mois de difficultés, Mme Merkel reprend la main. Il était temps, après les agressions des femmes allemandes dans la nuit du 31 décembre 2015, à Cologne, la poussée de l’extrême droite aux élections régionales de mars, et la contestation de sa politique, tant en Europe qu’en Allemagne. Ce temps est peut-être révolu : le flux de migrants se réduit grâce à l’accord contesté avec la Turquie. Sa coalition est ressoudée, du moins provisoirement. Mme Merkel semble en mesure de s’en sortir. Ce serait justice pour elle et pour son pays.

L’Allemagne propose à ses réfugiés un parcours d’intégration fait de droits et de devoirs. Tactiquement, la chancelière satisfait à la fois son aile droite, qui veut pouvoir expulser les migrants qui ne joueraient pas le jeu de l’intégration, et la gauche, qui demandait pour eux une ouverture du marché du travail.
 


Les commentaires sont fermés.