mercredi, 27 avril 2016
Femmes en banlieue : le grand déni
« À moins de 20 kilomètres de Paris, des femmes ne vivent pas comme moi et n’ont pas les mêmes droits que moi », a déclaré mardi matin au micro d’Europe 1 Céline Pina, ancienne conseillère régionale d’Île-de-France, ancienne adjointe au maire d’une commune du Val-d’Oise.
Celle qui s’est fait connaître pour avoir vivement critiqué le Salon de la femme musulmane à Pontoise en septembre 2015 enfonce le clou : « Dans certains endroits, la condition pour occuper l’espace public est le voile. Et ça se passe ici et maintenant. »
Céline Pina dénonce le « déni » de la classe politique, la compromission des élus. De ce cri d’alarme, elle a fait un livre, Silence coupable, sorti le 18 octobre.
Bien sûr, elle n’est pas la première à le dire. Mais ses mots ont une portée particulière, un accent tout spécial de vérité. Simplement parce que Céline Pina vient du sérail socialiste. Que l’on imagine qu’elle a dû hésiter, reculer, peser, réfléchir avant de se lancer. Parce qu’il n’est jamais simple de se désolidariser de sa famille politique qui, comme toutes les familles, est un nid douillet pénible à quitter.
C’est donc que quelque chose de plus fort qu’elle, quelque chose qui devait l’empêcher de se regarder dans la glace, quelque chose qui doit s’appeler l’honnêteté l’a obligée à parler. On ne peut pas l’accuser de surfer sur les fantasmes, d’alimenter la haine, de jouer sur les peurs pour faire prospérer son fonds de commerce, car sa boutique, précisément, vend tout l’inverse. On ne peut qu’en déduire que tout ce qu’elle dit est exact.
Dans un entretien paru dans Le Point le 15 avril, elle témoignait : « Là où j’habite, à Cergy, […] beaucoup de femmes sont voilées de la tête au pied. La pression dans les quartiers est réelle. Les voilées font pression sur les autres dévoilées. […] On contraint les femmes à l’aliénation et à l’infantilisation. » Et de poursuivre, encore, dans les colonnes de Marianne le 18 avril : « Le voile n’est pas une pièce vestimentaire, c’est une forme de revendication politique. Il dit des femmes qu’elles sont impures, qu’elles sont des sexes ambulants et qu’elles doivent cacher cela. Il dit surtout qu’elles sont inférieures à l’homme. […] Alain Juppé m’a particulièrement déçue lorsqu’il a justifié l’autorisation du voile en parlant de sa mère qui portait un foulard à l’église. J’ai envie de lui dire : “Tu sais, Alain, ta mère qui portait un foulard, elle n’emmerdait pas les autres femmes pour qu’elle le porte”. »
Le retour de bâton a été immédiat : « C’est avant tout ma famille politique qui m’a agressée. […] traitée d’islamophobe, de raciste, de “faire le jeu du FN”. »
Mais les féministes, bien sûr, ont volé à son secours ? Céline Pina précise qu’elle n’appartient à aucune association féministe, mais celles-ci, naturellement, l’ont accueillie comme une lanceuse d’alerte, à la traçabilité politique de bon aloi, offrant toutes les garanties ? Comme le médecin spécialiste écoute le généraliste qui vient de lever un lièvre ?
Penses-tu. Deux jours après la sortie de Silence coupable se tenait le Hijjab Day à Sciences Po. J’ai surveillé toute la journée le compte Twitter d’Osez le féminisme : il n’a pas bronché. Encéphalogramme plat. Qu’on le dise à Céline Pina. Les copines l’ont plantée là. Elles oseront le féminisme une autre fois. Avec la couleur des boîtes de Playmo. Soubrettes empressées de la gauche depuis si longtemps, elles ne savent rien faire d’autre que lui servir la soupe.
Gabrielle Cluzel
08:11 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.