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samedi, 30 avril 2016

La digue autrichienne a sauté

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L’Autriche devrait bientôt être dirigée par le FPÖ, le parti national-populiste qui a longtemps cultivé la nostalgie du nazisme

Le 22 mai prochain l’Autriche sera présidée par Norbert Hofer du Parti autrichien de la liberté (FPÖ), une formation qui se situe à l’extrême-droite de l’échiquier politique. Si l’on en croit les commentateurs politiques autrichiens, son adversaire, l’écologiste Alexander Van der Bellen, n’a guère de chance de faire son retard avec douze points de retard.

Le premier tour de l’élection présidentielle, dimanche dernier, entrera dans l’Histoire comme le moment où les deux grands partis, socialiste et conservateur, se sont effondrés (moins de 12% des voix chacun). Ce vote sanctionne également l’idée d’une alternance gauche-droite au pouvoir et d’une «grosse coalition», cette forme germanique du consensus.

Le FPÖ gagne tout

En Autriche, la présidence n’est pas qu’un titre honorifique comme en Allemagne ou en Suisse. Le président est le chef des armées, il a le pouvoir de nommer le chancelier et de dissoudre le parlement. Norbert Hofer a déjà annoncé qu’il n’hésiterait pas à faire usage de ses prérogatives en cas de blocage au parlement, notamment sur la question du durcissement de la politique envers les réfugiés. Il n’est donc pas exclu que celui-ci convoque des élections générales ces prochains mois plutôt que d’attendre 2018.

Depuis un an et demi, le FPÖ remporte élection après élection avec des scores oscillants entre 30 et 35%. Dimanche dernier, Norbert Hofer est arrivé en tête dans toutes les régions du pays, à l’exception de Vienne qui reste à gauche. Ce n’est désormais plus qu’une question de temps: le parti national-populiste dirigera le pays. Sans doute devra-t-il former une coalition. Mais il n’en sera plus le partenaire junior, comme du temps de Jörg Haider, au début des années 2000, lorsque les conservateurs avaient dû consentir à cette alliance malgré la fronde européenne. Non, aujourd’hui, les héritiers de l’ami des nazis formeront un pouvoir à leur image.

Le faux doux

Norbert Hofer est parvenu à polir l’image du FPÖ: jeune, ingénieur en aéronautique, légèrement handicapé après une chute de parapente, affable, souriant, il incarne une droite décomplexée mais qui a abandonné son discours raciste pour celui de la défense identitaire et culturelle des Autrichiens. Une stratégie gagnante pour celui qui est en réalité l’idéologue du parti, admirateur de la Grande Allemagne quand il était étudiant, et qui promet de devenir un «protecteur des Autrichiens». Comme Marine Le Pen, il défend aujourd’hui l’idée d’une Europe des nations ou des patries.

Le «doux» Hofer n’en reste pas moins au service de Heinz-Christian Strache, le chef du parti, toujours aussi virulent lorsqu’il s’agit d’agiter les peurs et mobiliser le vote protestataire, son antisémitisme ayant fait place à la dénonciation de l’islam. Il pourrait être le prochain chancelier.

Le retour des barrières

C’est ainsi que les Autrichiens s’engagent dans une voie qui pourrait offrir le pouvoir à un parti national-populiste. C’est une première digue qui saute en Europe occidentale. Ce courant de pensée réactionnaire – anti-immigré, anti-Européen, plus ou moins anti-libéral – était déjà associé au gouvernement en Suisse (UDC) ou au Danemark (Parti du peuple), mais jamais il n’avait pris le contrôle des affaires. Ce pas n’avait jusqu’ici été franchi qu’en Europe de l’Est, en Hongrie ou en Pologne.

La victoire du FPÖ dimanche dernier s’est aussitôt traduite en acte: mercredi, le parlement autrichien votait prévoyant la possibilité de décréter un «état d’urgence» migratoire, ce qui signifie la fin du droit d’asile. Le jour même les pelles mécaniques se sont mises à l’œuvre au col du Brenner pour barricader la frontière avec l’Italie contre un nouvel afflux supposé de réfugiés.

Frédéric Koller

Source : Letemps.ch

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