dimanche, 01 mai 2016
Les terroristes veulent un 11 Septembre !
Comment dire l’essentiel sans mettre en cause les politiques, comment expliquer la démarche terroriste sans parler de la mollesse de nos décideurs, comment enfin montrer simplement ce qu’est le vrai visage des tueurs sans critiquer les pseudo-spécialistes ?
Voilà le langage subtil mais franc et direct qu’a choisi le colonel Hubert Bonneau, commandant le GIGN, lors du forum Technology Against Crime de Lyon. Une intervention publique extrêmement rare pour cet homme de l’ombre. Heureusement, les auditeurs n’ont pas été déçus, les phrases énoncées par ce spécialiste de la prise d’otage ont claqué comme autant de coups de fouet sur nos gouvernants aveugles : « Les groupes terroristes profitent d’une véritable faiblesse de nos démocraties, j’ose le dire », a-t-il lancé à une salle attentive et médusée. « Ce sont des gens qui travaillent pour plonger la population, par leurs actions, dans la sidération… Ils agissent avec peu de matériel, peu de technologie et s’autofinancent. L’argent ne vient pas du Moyen-Orient, il vient de Cofidis et de Cetelem. »
Vendredi dernier, l’officier n’a pas mâché ses mots pour décrypter les attentats terroristes, expliquant que le terrorisme d’aujourd’hui s’édifie avec des rustines et deux bouts de ficelle et que son efficacité n’en est que plus redoutable : « En septembre 2015, le numéro 14 du journal de Daech a fait un retour d’expérience des attentats de janvier. C’était remarquable et très intéressant : on a cinquante pages qui disent ce qui a été bien fait et ce que les Kouachi et Coulibaly ont mal fait ou n’auraient pas dû faire. En substance, le magazine dit : pour l’avenir, voilà ce qu’on vous propose… c’est le petit marmiton.com du terrorisme : comment créer des grenades, confectionner des armes, etc. »
On le voit, le rapport « coût/efficacité » est maximum. « À Sousse, un type a abattu trente Occidentaux sur une plage. Le résultat ? C’est la faillite de la Tunisie. L’État coule. C’est l’économie qui est visée… Ça peut taper n’importe où, n’importe quand, sachant qu’on attaque des cibles molles… Ce n’est que lorsque l’opération débouche sur des morts que l’organisation terroriste la revendique… Une fois la fusillade terminée, celui qui tient bon face aux troupes d’élite cherchant à le neutraliser est ensuite glorifié sur les réseaux sociaux… Quand on résiste trente-six heures à un État, c’est imparable : on devient un héros. »
Une manière de mieux nous faire comprendre que la mort de Merah n’est pas un succès du RAID mais une victoire du terrorisme. Sa fin, idéalisée dans les banlieues, a suscité l’apparition d’autres apprentis assassins. Quel est le but de ces tueries ? Pour le gendarme, il est double : « Rassembler la communauté et frapper l’ennemi, qu’il soit proche ou lointain. » Or, l’ennemi numéro un, en dehors d’Israël, c’est la France. Il s’en prend ensuite aux services, aux analystes, à cet État qui n’a rien anticipé : « Faut être honnête, faut être clair : on n’a pas vu, en France, les choses arriver. Malgré les attentats de Londres et de Madrid, malgré les événements en Afghanistan, au Pakistan, etc. Si on ne les a pas vues, c’est parce que cela se passait loin de chez nous. »
Cette analyse lucide et courageuse fait froid dans le dos, surtout quand il termine en déclarant : « On est passé d’une entreprise centralisée et secrète à, aujourd’hui, une entreprise décentralisée qui marche sous forme de franchise. Leur stratégie est en place depuis longtemps. Ceux qui passent à l’acte en France sont ceux qui sont capables d’évoluer facilement dans nos sociétés… Ces terroristes vont rechercher un 11 Septembre. »
Après le général Soubelet, voilà un autre gendarme qui ne pratique pas la langue de bois !
J.-P. Fabre Bernadac
09:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
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