Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 11 mai 2016

Déradicalisation : l'autorité à l'école et la fin du clientélisme, les deux vraies solutions

1ad874-1685-11e6-8d98-2a3304a23932.jpg

Manuel Valls a annoncé la création d'un centre de déradicalisation «dans chaque région» d'ici fin 2017. Pour Fabrice Balanche, le Premier ministre oublie que l'islamisme a été nourri par la complaisance de la gauche à l'égard du communautarisme.

Malgré les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, le gouvernement français tente de maintenir un cordon sanitaire entre le terrorisme qui frappe la France, la situation au Moyen-Orient et la complaisance à l'égard de l'Islam politique sur la scène intérieure.

Les djihadistes qui ont frappé Paris en 2015 et ensuite Bruxelles le 22 mars 2016, ont été formatés par l'idéologie salafiste sponsorisée par l'Arabie saoudite, financés par des «donateurs privés» du Golfe et soutenus militairement par la Turquie, pays par lequel ils transitent sans problème. Lorsque le président François Hollande a décoré de la légion d'honneur le Prince héritier saoudien Mohamed Ben Nayef, des voix se sont élevées pour dénoncer la remise de cette distinction dans le contexte post-attentat. Mais le Premier ministre français est venu asséner: «La France doit assumer sa relation stratégique avec l'Arabie saoudite». Ainsi, pour conserver un de ses meilleurs clients en matière d'armement, la France doit s'abstenir de toute critique à l'égard du système politique saoudien et de ses liaisons dangereuses avec les islamistes radicaux. La responsabilité de l'Arabie saoudite dans la promotion du salafisme est constamment éludée par la plupart des gouvernements occidentaux, alors qu'il faudrait lui enjoindre de désalafiser ses programmes scolaires et l'empêcher de former chaque année des dizaines milliers d'imam radicaux qui se répandent à travers le monde, y compris en France, pour prêcher la haine des «kafer» (les «infidèles» et plus généralement les non-salafistes).

S'il est si difficile de traiter les sources étrangères du mal. Les autorités françaises pourraient au moins s'attaquer aux causes internes. Malheureusement l'Islam radical, qu'il s'agisse des salafistes ou des Frères musulmans, bénéficie du soutien influent au sein de l'hexagone d'un groupe d'intellectuels islamo-gauchistes. Ces derniers ont réalisé la synthèse entre Edward Saïd et Saïd Qutob. Pour eux, le terrorisme islamique ne serait que la conséquence de l'autocratisme qui règne dans le monde arabe, particulièrement l'Egypte, l'Algérie et la Syrie. Les vieux trotskystes apportent ainsi leur expérience militante et leur bagage idéologique aux islamistes. Le discours porte et parvient à convaincre nos politiciens soucieux de gagner le vote «musulman» en vue des élections.

Dans une interview accordée au Monde le 2 avril 2016, la philosophe Elisabeth Badinter dénonce la complaisance de la gauche française à l'égard de l'islamisme: «La gauche est coupée en deux pour des raisons idéologiques respectables et des motivations politiques qui le sont moins». Au nom du droit à la différence, certains pensent que toutes les cultures et les traditions se valent et par conséquent que nous n'avions rien à leur imposer. Le port du niqab, la ségrégation et l'inégalité des sexes, le refus de se soumettre aux lois de la République, sous prétexte que seules les lois de Dieu sont acceptables, seraient donc licites sur le territoire. Quant aux motivations politiques qui le sont moins, la philosophe fait bien sûr référence à certains édiles qui promettent la construction d'une mosquée ou des repas halal dans les cantines scolaires en échange des «voix musulmanes».

En 2012, le candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande, a bénéficié de 86% des voix des électeurs musulmans selon une enquête de l'IFOP. Ce survote en sa faveur lui a clairement permis de l'emporter face à Nicolas Sarkozy. Les millions d'électeurs musulmans sont devenus une réserve de voix indispensable pour le Parti Socialiste, depuis que le vote populaire «gaulois» bénéficie davantage aux candidats du Front National. Car au sein de la population française dite «de souche», le Parti Socialiste ne compte plus que sur des fonctionnaires et les bourgeois bohèmes des centres villes. Le même calcul a été fait par le Parti Socialiste belge qui a obtenu en 2004, le vote des immigrés aux élections municipales, lui permettant ainsi de l'emporter dans les grandes villes comme Bruxelles et Anvers aux élections de 2006. La politique politicienne utilise le communautarisme à court terme et méprise les réelles politiques d'intégration qui exige du long terme et l'intelligence de se poser les vraies questions quant à l'intégration des populations musulmanes. L'islamisme radical et la ghettoïsation ne sont pas que le résultat des difficultés économiques. Les politiques d'intégration doivent tenir compte davantage de la dimension culturelle et se montrer ferme sur les valeurs de la République auxquelles doivent adhérer les musulmans comme tous les autres citoyens.

La lutte contre l'islamisme doit commencer par l'école qui fut longtemps le creuset de la nation. Depuis les années 1980, l'alliance des «nouvelles pratiques pédagogiques» et du laxisme détruisent le système éducatif dans les zones populaires et plus particulièrement celles où se concentrent les populations immigrées. Dans les «banlieues de la République», selon l'expression de l'islamologue Gilles Kepel, un enseignement au rabais est dispensé et toute discipline bannie dans le but de désamorcer les conflits. Si l'objectif théorique était de promouvoir une autre forme d'apprentissage pour éviter l'échec scolaire des populations socialement défavorisées, le résultat est aux antipodes puisque le phénomène n'a fait que s'amplifier. Car, un enseignement inadapté ne permet pas d'accéder aux emplois de l'économie post-industrielle. Les quartiers communautarisés sont ainsi devenus les espaces d'une économie parallèle où le «tombé du camion», les trafics de drogue et d'armes se côtoient.

Les prédicateurs salafistes justifient les délits de cette jeunesse perdue, en leur faisant croire qu'elle est victime d'un système visant explicitement à marginaliser les musulmans. Malheureusement cette victimisation est relayée par le discours bien-pensant de la gauche. En refusant de rétablir l'autorité de l'Etat et l'école de la République dans ces territoires en perdition, les partis républicains font le lit du populisme d'extrême droite et de l'islamisme radical: les deux faces de la décadence du modèle républicain français.

Fabrice Balanche

Fabrice Balanche, Maître de conférences à l'Université Lyon 2, chercheur invité au Washington Institute.

Source : Le Figaro

 

Les commentaires sont fermés.