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dimanche, 29 mai 2016

Les autruches trichent (encore) avec l'Autriche

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Logique médiatique oblige, la mobilisation sociale contre la loi travail a largement occulté le second tour de l'élection présidentielle en Autriche. Et pourtant…

Il y a tout juste un mois, ici même, nous écrivions : « La victoire [de Norbert Hofer, NDLR], le 22 mai prochain, est loin d'être acquise. Norbert Hofer risque de se heurter au même plafond de verre que Marine Le Pen lors des élections départementales et régionales. Pour autant, l'on aurait tort de se voiler la face et de faire l'autruche devant l'Autriche. » Nous ne pensions pas si bien dire : aussitôt le résultat connu, les autruches se sont empressées d'enfouir la tête dans le sable. Ouf ! Le pire a été évité, on peut donc passer à autre chose. Est-ce si sûr ?

Certes, le fameux plafond de verre n'a pas été enfoncé. Mais à 30 000 voix près. Autant dire rien : 50,3 % pour l'écologiste Alexander Van der Bellen, 49,7 % pour Norbert Hofer. Et l'on pourrait faire comme s'il ne s'était rien passé en Autriche ?

Une première remarque s'impose : laminés dès le premier tour, les partis de gouvernement autrichiens, chrétiens-conservateurs et sociaux-démocrates, n'ont appelé à aucun front républicain pour faire barrage au candidat du FPÖ (extrême droite). L'auraient-ils fait qu'ils auraient sans doute joué contre leur propre camp, tant leur discrédit est grand. Au moins, les électeurs autrichiens ont-ils choisi leur destin en conscience, sans la moindre injonction partisane.

Faut-il pour autant se rassurer en se disant que Marine Le Pen, elle aussi, se heurtera en 2017 au même réflexe républicain ? La question se pose. Le FPÖ n'est-il pas l'allié du FN au Parlement européen ? Ces deux formations ne partagent-elles pas la même europhobie, le même rejet de l'islam et du multiculturalisme, le même corpus idéologique sur les questions d'identité et d'immigration ? Ne profèrent-ils pas les mêmes anathèmes sur la question des réfugiés ? N'appliquent-ils pas à la lettre la même stratégie de dédiabolisation ?

Si la France avait accepté 700 000 demandeurs d'asile

Il y a cependant deux différences majeures entre le FN français et le FPÖ autrichien. La première donne des ailes à Marine Le Pen, la seconde la cloue au sol.

  • Le FN de Marine Le Pen incarne une forme de renouveau politique, puisqu'il n'a jamais exercé le pouvoir, sinon dans quelques villes. Le FPÖ de Nobert Hofer, lui, gouverne – ou a déjà gouverné – plusieurs exécutifs régionaux. Il a même occupé, par le passé, plusieurs ministères régaliens. Les Autrichiens connaissent donc parfaitement les dangers de ce vote antisystème.
  • Le FPÖ dispose d'un avantage politique dont le FN ne peut se prévaloir : il est capable de se trouver des alliés. Au plan local comme au niveau national. Ne dirige-t-il pas deux Länder au sein d'une coalition ? En France, personne ne veut nouer d'alliance avec l'extrême droite. D'ailleurs, Marine Le Pen n'en cherche pas. Le ferait-elle qu'elle se déjugerait, elle qui dénonce, depuis des années, le célèbre « UMPS ».

En réalité, l'essentiel de la campagne présidentielle autrichienne s'est jouée sur la question migratoire. Si Norbert Hofer a ainsi distancé et éliminé les deux partis de la coalition au pouvoir, c'est en surfant sur leur incapacité à entendre les inquiétudes de la population en matière d'immigration. En 2015, l'Autriche, pays de 8,5 millions d'habitants, a accueilli 90 000 demandeurs d'asile. Imaginez, si la France en avait accepté 700 000, à quel niveau sondagier culminerait aujourd'hui Marine Le Pen !

En 2015, rappelons-le, la France, pays de 66 millions d'habitants, a accepté 79 000 demandeurs d'asile. Pour certains, à gauche, c'est trop peu. Pour le FN, c'est déjà trop.

Laurent Neumann

Source : Le Point

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