mardi, 21 juin 2016
Daech : un banal mouvement messianique ?
Quel rapport entre l’islam, un policier français non musulman (Jean-Baptiste Salvaing) exterminé devant chez lui au couteau par un français musulman (Larossi Abballa) et un judoka français musulman (« Medhi » / prénom modifié) qui tenta de secourir la victime ?
De la clarté de la réponse à cette question, posée à chaque crime commis au nom de l’islam (revendiqué ici par Daech), dépendra notre avenir dans un monde confronté pour la première fois de son histoire à l’expansion universelle de cette religion, sous la double houlette (« facilitante ») migratoire et multiculturelle. Une fois de retour dans son local sportif proche du lieu du crime (Le Parisien 16 juin), notre enseignant judoka-secouriste affirma y avoir « entendu des propos caricaturaux sur l’islam. J’ai haussé le ton et je leur ai dit que j’étais musulman […] et que j’avais tenté de sauver la vie d’un policier […] C’est un acte citoyen mais aussi la démonstration et la confirmation que l’islam est une religion de paix. »
Déjà, ce relent d’intimidation pacifiste… Si les mots ont un sens, un musulman secourant un non-musulman agressé par un autre musulman démontre que l’islam est humainement divers, point final. Si nous devions croire notre judoka sur parole, l’islam ne saurait donc être impliqué dans le crime esclavagiste perpétré par tant de musulmans durant 14 siècles… Si j’osais néanmoins lui soumettre ce fait historique avéré, « hausserait-il » à nouveau « le ton » ?
Je crains de connaître une réponse que beaucoup de politiques contemporains éludent, tantôt avec une exquise couardise, tantôt avec un cynisme idéologique de caniveau. L’Obs n° 2692 du 9 juin consacrait un sujet au thème suivant : « Daech est-il l’enfant de l’Arabie saoudite ? » Y débattaient deux spécialistes : Stéphane Lacroix, professeur associé à Sciences Po, et Nabil Mouline, historien et politologue. S’il est extrêmement délicat de résumer en trois mots un débat autour de questions complexes, l’on peut retenir l’observation suivante de Nabil Mouline : « À court terme, Daech peut apparaître comme le fils monstrueux de l’Arabie saoudite, et l’Arabie saoudite comme un Daech qui a réussi et s’est “routinisé”. Mais si l’on s’inscrit dans la longue histoire arabo-musulmane, on pourrait également y voir la banalité de l’exceptionnel. Aussi aberrant qu’il nous semble aujourd’hui, Daech est un mouvement messianique qui s’inspire des méthodes de conquête du pouvoir et des stratégies de légitimation d’une bonne partie des mouvements politico-religieux qui ont émergé en terre d’islam depuis le Moyen Âge. Des Daech, le monde musulman en a déjà connu beaucoup. »
Si caricature de l’islam il y a, elle est donc en premier lieu l’œuvre de l’assassin musulman du jour. Pour la gouverne du judoka-secouriste musulman citoyen français, ce dernier notera donc, et sans « élever le ton », le fait suivant : si la violence dont il a été un témoin direct est apparue maintes fois en terre d’islam au cours de son histoire, c’est qu’il y a un lien de cause à effet.
Silvio Molenaar
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