Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 21 juillet 2016

L’état d’urgence sera prolongé mais la polémique demeure

topelement.jpg

Après l’attentat de Nice, les polémiques ont pris une telle ampleur au sein de la classe politique française que la majorité socialiste et l’opposition de droite tentent aujourd’hui de calmer, un peu, le jeu. D’autant plus que deux événements survenus hier ont encore alourdi l’atmosphère: dans les Hautes-Alpes, un ressortissant marocain a blessé à coups de couteau une femme et ses trois filles en leur reprochant leur tenue; près de Paris, la police a interpellé un homme qui possédait à son domicile des explosifs et un drapeau du groupe Etat islamique

L’occasion de diminuer l’intensité des feux de bouche est offerte aux élus par la proposition gouvernementale de prolonger l’état d’urgence. Les débats ont commencé cette nuit à l’Assemblée nationale et aujourd’hui au Sénat. Cela dit, l’exercice se révèle difficile, surtout pour la droite et le parti Les Républicains (LR), qui veulent profiter de la faiblesse du gouvernement, tout en reprenant une posture plus responsable.

Compte tenu des circonstances, il leur est impossible de refuser de prolonger l’état d’urgence proposé par les socialistes. D’autant plus que ces derniers l’ont rendu plus répressif. De son côté, le gouvernement de Manuel Valls cherche à obtenir le vote le plus large possible pour essayer, autant que faire se peut, de redorer son blason. Dès lors, les parlementaires de droite ont décidé de voter en faveur de la prolongation mais en énumérant dix conditions. Nombre d’entre elles sont acceptables pour le gouvernement et les élus socialistes: en premier lieu, l’allongement à six mois, au lieu de trois, de la prorogation de l’état d’urgence. De même, la gauche n’aura guère de peine à accepter la formation – réclamée par la droite – d’une commission d’enquête parlementaire sur l’attentat de Nice, dans la mesure où ces investigations peuvent aussi mettre en cause les autorités locales qui sont de l’autre bord politique. Les saisies informatiques, demandées par Les Républicains, font déjà partie des propositions du gouvernement, qui en améliorera le contenu juridique pour échapper à la sanction du Conseil constitutionnel. L’augmentation du nombre de centres de déradicalisation est aussi susceptible de faire consensus.

En revanche, deux autres propositions avancées par la droite et fortement soulignées par Nicolas Sarkozy risquent fort d’être refusées par la gauche car, selon elle, la France dépasserait alors les bornes de l’Etat de droit. La première, c’est la rétention de sûreté ou l’assignation à résidence sous bracelet électronique de personnes liées, sans être condamnées, à un groupe terroriste. La seconde consiste en la création d’un «délit de séjour» pour les personnes s’étant rendu, sans forcément combattre, dans une zone de conflit (en d’autres termes, sur les territoires occupés par le? groupe Etat islamique). Dès lors, la droite sera en mesure de voter la prolongation de l’état d’urgence, tout en apparaissant comme plus intransigeante que la gauche.

L’état d’urgence – qui n’a guère prouvé son efficacité – est surtout un moyen pour la gauche de reprendre la main. Et pour la droite, de se donner l’apparence de la fermeté responsable. Le jeu des postures n’est donc pas terminé. La campagne présidentielle de 2017 continuera à parasiter le débat sur la lutte antiterroriste.

Plus d’un tiers des victimes étaient musulmanes

Tragique ironie: parmi les 84 morts de l’attentat de Nice figuraient 30 musulmans. Plus d’une victime sur trois était de confession islamique, a en effet annoncé le recteur de la Grande Mosquée de la ville, Otmane Aïssaoui, qui s’est mobilisé pour porter assistance aux familles.

Fatima Charrihi, 62 ans, originaire du Maroc, fut d’ailleurs la toute première victime tuée par le 19 tonnes que conduisait Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. «Elle était une fidèle de ma mosquée. Je connais ses sept enfants, tous adultes aujourd’hui», a raconté Otmane Aïssaoui au quotidien La Croix. Président de l’Union des musulmans des Alpes-Maritimes (Umam), l’imam de Nice décrit une femme très pieuse et portant le voile, qui comptait parmi ses amis des personnes de toutes les confessions et avait transmis aux siens les valeurs de respect et de tolérance.

Arrivée à Nice à l’âge de 20 ans pour rejoindre son époux, maçon, «elle pratiquait un islam du juste milieu. Un vrai islam. Pas celui des terroristes», confiait son fils Hamza, 28 ans, à l’hebdomadaire L’Express à peine quelques heures après sa mort. Une «maman extraordinaire», a-t-il ajouté dans les colonnes de Nice-Matin.

Parmi ces musulmans morts le 14 juillet, il y avait aussi par exemple Mehdi, un Niçois de 12 ans, fils d’un arbitre de football et dont la sœur jumelle est dans le coma. Ou encore Kylian, 4 ans, petit Tunisien venu de Lyon avec sa maman, Olfa, 31 ans.

Les corps d’une vingtaine de Tunisiens vont devoir être rapatriés, a expliqué Otmane Aïssaoui à La Croix. Ce sera possible après la toilette mortuaire rituelle et la cérémonie prévue ce jeudi à la Grande Mosquée Ar-Rahma (la Miséricorde), qui se déroulera en présence des élus locaux.

En attendant, le recteur de la mosquée, accompagné de l’imam Boubekeur Bekri, accueille les familles endeuillées dans la chapelle ardente improvisée à l’Acropolis, le Palais des Congrès situé à deux pas de la promenade des Anglais.

Un soutien d’autant plus nécessaire que la parole raciste semble soudain libérée à Nice. Nombre d’insultes islamophobes sont lancées sur les quais comme sur les réseaux sociaux. Au siège du Front national, on assure assister à un «boom d’adhésions».

Jean-Noël Cuénod

Source : Tdg.ch

Les commentaires sont fermés.