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mardi, 26 juillet 2016

Attentats en Allemagne : la politique migratoire de Berlin va-t-elle changer ?

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Touchée par plusieurs attentats, l'Allemagne réagit politiquement de manière ferme, mais modérée, estime le professeur Henrik Uterwedde. Ces événements pourraient néanmoins conduire à un amendement de la politique migratoire allemande.

Spécialiste de la politique comparée franco-allemande, professeur honoraire à l'Université de Stuttgart et professeur associé à l'Université Osnabrück, Henrik Uterwedde est chercheur au Deutsch-Französisches Institut Ludwigsburg (DFI).

FIGAROVOX. - L'Allemagne a été touchée par plusieurs attaques terroristes en quelques jours. Quel est le climat outre-Rhin?

Henrik UTERWEDDE. - Le climat dans la population est quelque peu tendu, mais calme. Les pouvoirs politiques n'avaient cessé d'avertir les Allemands de la menace terroriste, qui risquait de frapper en Allemagne comme dans les pays voisins. Le travail des forces de l'ordre a généralement été salué, notamment à Munich où l'on avait craint le pire pendant les premières heures. Tant sur le plan de l'organisation et de la coordination des effectifs mobilisés que sur celui de la communication, la police a été exemplaire et a certainement contribué à calmer le jeu.

Comment la classe politique allemande réagit-elle?

Conformément à la tradition allemande, les responsables politiques ont réagi de manière ferme mais modérée,

s'interdisant toute récupération ou condamnation politique facile. La seule exception est le parti extrémiste AfD (Alternative für Deutschland) qui n'a pas craint d'exploiter les événements, parfois avant même que les faits soient établis. Tous les autres partis, qui portent des responsabilités gouvernementales au niveau fédéral ou à celui des Länder (États fédérés), savent bien qu'ils doivent coopérer dans la riposte aux actes terroristes. Cela n'empêche pas un débat controversé sur les mesures appropriées de la prévention et la sécurité, sur le renforcement des moyens des forces de l'ordre, sur la participation de l'armée (la Bundeswehr) à la lutte antiterroriste, qui lui est interdit actuellement, ou encore sur le durcissement des conditions d'accueil et de séjour des réfugiés. Toutes ces questions vont certainement jouer un rôle dans les mois qui viennent, alors que nous nous trouvons à 14 mois des prochaines élections législatives. Mais là encore, les partis démocratiques ont intérêt à jouer l'efficacité et éviter toute surenchère pour ne pas faire le jeu de l'AfD.

Ces événements remettent-ils en cause la politique d'asile de la chancelière Angela Merkel?

On ne peut pas l'exclure puisque certains des criminels étaient des demandeurs d'asile, mais cela dépend beaucoup de la suite des événements. Pour l'instant, Angela Merkel profite de la baisse des flux de réfugiés

Source : Le Figaro

suite à la fermeture de la «route du Balkan». Cela a calmé le jeu en Allemagne car la situation d'accueil est devenue moins tendue. Mais le grand défi de l'accueil (logements, éducation, formation, travail) est loin d'être résolu. Il faut voir également que depuis plusieurs mois déjà, le gouvernement d'Angela Merkel a sensiblement recentré sa politique des réfugiés, en complétant la politique d'accueil par des règles plus strictes pour les conditions d'accueil et de séjour, par des mesures assurant le contrôle et la maîtrise des flux d'entrée, ainsi que l'accélération des procédures d'asile et la reconduction à la frontière en cas de refus du statut de réfugié. Cela dit, en cas de répétition d'actes criminels impliquant des réfugiés le débat va certainement se crisper de nouveau.

Le mouvement «Pegida» a récemment annoncé qu'il allait créer son propre parti politique. Les attentats peuvent-ils créer un effet d'attraction autour de ce mouvement anti-immigration?

Je ne le pense pas. C'est une affaire obscure pour l'instant. La création d'un parti, annoncée par un responsable du mouvement Pegida, pourrait être motivée par le souci de bénéficier du statut d'un parti politique, très privilégié par la constitution allemande par rapport aux simples associations. Pour l'instant elle ne risque pas de faire de l'ombre à l'AfD, qui avait réussi des percées électorales importantes ces dernier mois. Or, l'AfD abrite deux grands courants, celui qui cherche une respectabilité politique et s'en tient à un langage de «droite musclée» certes mais modéré, et celui qui, notamment dans les nouveaux Länder, franchit plus facilement le frontières vers la xénophobie et l'extrémisme, voire le néo-nazisme. Cela lui permet de «ratisser large» mais il faudra bien une clarification un jour. C'est alors qu'on verra si le paysage à l'extrême-droite de l'échiquier politique change.

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