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mardi, 26 juillet 2016

Radicalisation de l’islam, islamisation de la radicalité ?

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Le débat a fait rage après Charlie, après le Bataclan, entre les tenants d’une radicalisation de l’islam (thèse défendue par Gilles Képel) et ceux qui, comme Olivier Roy, parlaient plutôt d’une islamisation de la radicalité. Le recul permet aujourd’hui de se faire une opinion précise et, en même temps, de tenter de comprendre ce qui se passe.

L’Etat islamique, le rêve du califat qu’il a tenté de ressusciter, l’ultraviolence qu’il utilise pour provoquer la peur et l’angoisse partout dans le monde, participe à l’évidence de la radicalisation de l’islam. D’autant que d’autres courants radicaux comme le salafisme, à défaut d’être violents, gagnent des parts de marché : en promouvant l’idée qu’il faille vivre comme au temps du Prophète, que c’est un gage de pureté – quitte à vivre séparé de la société –, en se tournant ostensiblement vers des guides spirituels et politiques installés en Arabie Saoudite, en enfermant les femmes dans des niqabs effrayants, les salafistes affichent leur conception radicale de l’islam. Radicalisme qui change la vie de ceux qui suivent cette voie.

Enfin, la société française est pleine de témoignages d’un revival musulman qui se manifeste par des pratiques toujours plus rigoristes : succès global du halal qui devient un mode de vie, conformisme religieux qui s’impose de plus en plus dans la vie quotidienne, jeunes musulmans qui placent la loi de Dieu avant la loi de République… Une partie de l’islam, en France et dans le monde, se radicalise.

Et, dans le même temps, la radicalité s’islamise. Les derniers attentats le prouvent : à Nice, l’auteur de l’effroyable était certes Tunisien mais rien dans son comportement n’en faisait un musulman. Pourtant, il a tenu à faire le lien entre le crime qu’il allait commettre et l’islam, quelques jours seulement avant de passer à l’acte. A Magnanville, l’auteur du terrible assassinat des deux policiers avait prêté allégeance à Daech la veille du jour où il a commis ce meurtre. L’islam ne faisait pas partie de sa vie quotidienne. Quant aux auteurs de la tuerie de Bruxelles, on a compris rapidement qu’ils étaient passés de la petite délinquance au terrorisme djihadiste sans passer ou presque par la case islam.

Le phénomène est spectaculaire : des individus attirés par l’ultraviolence, en général gratuite et tournée contre les symboles des sociétés qui les ont vus naître, vont chercher dans l’islam radical soit une justification de leurs actes soit une ombrelle qui donne à leur geste plus d’écho.

Pourquoi l’islam se trouve-il à la croisée de ces deux mouvements qui partent de points différents pour finalement se rejoindre dans un espace commun d’ultraviolence ? Parce que, plus que l’islam elle-même, les sociétés arabes sont en crise. En crise de transition vers une modernité qu’elles n’arrivent pas à définir, alors que leurs structures traditionnelles ont volé en éclat : l’organisation des familles a été bouleversée par la nouvelle place des femmes ; l’organisation des sociétés a été remise en cause par la poussée démographique et l’urbanisation galopante ; enfin, l’organisation du monde s’est faite sans le monde arabe ou presque (le pétrole).

Les révolutions de 2011 étaient la manifestation joyeuse de ces bouleversements. Le prurit islamiste violent auquel nous assistons aujourd’hui en est la face sombre.

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