Des exceptions…
L’arrêté d’expulsion est limité une première fois par la loi Defferre du 21 octobre 1981, qui instaure huit catégories « protégées » d’étrangers, qui, en prouvant leurs attaches profondes à la France, peuvent opposer un recours au renvoi. Ne peuvent donc pas être, en cas de démêlés avec la justice, renvoyés vers leur pays d’origine des étrangers qui remplissent les critères suivants :
- les mineurs,
- les étrangers qui habitent en France depuis l’âge de 13 ans (résidence habituelle) ou depuis plus de vingt ans (résidence régulière, sauf étudiants),
- les étrangers qui ne sont pas en situation de polygamie,
- les étrangers qui sont parents d’un enfant qu’ils élèvent ou dont ils contribuent « à l’entretien » depuis au moins deux ans,
- les étrangers qui justifient d’au moins trois ans de mariage avec une personne de nationalité française,
- les étrangers qui perçoivent une rente accident du travail ou maladie professionnelle pour une incapacité permanente de plus de 20 %,
- les étrangers qui nécessitent une prise en charge médicale qui ne serait pas assurée dans le pays de renvoi,
- les étrangers qui possèdent un droit de séjour permanent en tant que citoyen de l’Union européenne.
Ces critères ne s’appliquent pas si les faits reprochés à la personne étrangère relèvent d’une atteinte aux droits fondamentaux : incitation à la haine, terrorisme, faux-monnayage, participation à un groupe de combat.
En mars 2003, après plusieurs propositions de loi, le groupe de travail instauré par Nicolas Sarkozy propose une réforme, adoptée en novembre. La protection contre l’expulsion est étendue aux personnes étrangères arrivées en France avant l’âge de 13 ans et à celles qui y résident depuis plus de vingt ans. Là, les expulsions se transforment en assignation à résidence, comme le raconte Libération en 2004.
… mais pas de suppression
La double peine n’est donc pas supprimée ; son cadre d’application est renforcé. En 2013, le ministère de l’intérieur décompte ainsi 14 076 mesures d’éloignement forcé dans un rapport sur les étrangers en France. Parmi ces mesures, on retrouve les étrangers « en situation irrégulière qui sont sous le coup d’une OQTF, d’un arrêté de reconduite à la frontière, d’un arrêté d’expulsion préfectoral ou ministériel, d’une mesure de réadmission ou condamnés à une peine d’interdiction du territoire ». La double peine s’applique donc bien.
Ainsi, en 2010, on compte 3 750 interdictions du territoire français sur 13 456 condamnations pénales, pouvant être assorties d’une peine complémentaire, selon le rapport du 22 février 2012 fait dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité de la peine complémentaire.
Aujourd’hui, une partie de la droite et de l’extrême droite appelle à généraliser la double peine, ce qui reviendrait à supprimer les exceptions existantes. Mais pour cela, il faudrait enfreindre plusieurs articles de la convention européenne des droits de l’homme, dont l’article 8 sur le respect de la vie privée et familiale.
La France a été retoquée à plusieurs reprises par la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) au sujet de la double peine. Sur l’année 2015, elle a notamment constaté six violations du droit à un procès équitable (article 6) et une violation de l’article 8.
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