vendredi, 29 juillet 2016
Les fiches S: sans suivi, rien ne sert de ficher
S comme sûreté de l'État. La question de l'efficacité des fameuses fiches S, qui signalent notamment les islamistes radicaux, est de nouveau posée deux jours après l'attentat contre l'église de Saint-Étienne-du-Rouvray, commis par deux hommes dont l'un était l'objet d'une telle fiche.
Une alarme, une étiquette' Un "clignotant", selon Jean-François Daguzan, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. "Une espèce de thermomètre sur lequel il faut veiller en permanence", explique à l'AFP un policier.
Destinée à attirer l'attention des forces de sécurité si l'un des fichés est contrôlé ou interpellé, la fiche S est un outil qui sert surtout aux services de renseignement.
Par définition, celui qui fait l'objet d'une fiche S n'en est pas informé, ce qui permet aux services de renseignement de suivre ses déplacements, lorsqu'il passe une frontière par exemple.
- 'Pas probant en soi' -
Faire l'objet d'une fiche S ne signifie pas être surveillé en permanence, ou même occasionnellement. Dans les cas les plus sérieux, la fiche S permet de déclencher une surveillance plus poussée : écoutes, filatures, balises posées sur un véhicule, sonorisation de locaux (micros), surveillance électronique (mails).
"Si, au terme de cette surveillance, les services obtiennent des éléments probants (d'un futur passage à l'acte, NDLR), ils saisissent la justice", indique Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme.
"La fiche S est un outil de renseignement, pas un outil de police ou même un outil judiciaire", rappelle-t-il. "Elle n'est pas un élément probant en soi, elle révèle l'existence de soupçons".
"La fiche S donne une indication vis-à-vis d'une personne concernant un attrait pour le jihadisme, mais ça s'arrête là. Pour qu'il y ait une efficacité, il faut un suivi", renchérit Jean-François Daguzan.
La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) alimente quotidiennement ce fichier, qui ne vise pas que des islamistes radicaux ou des individus pouvant avoir un lien avec la mouvance terroriste, mais aussi, pour moitié, des hooligans, des membres de groupes d'utra-gauche ou d'extrême droite...
En novembre, Manuel Valls évoquait 10.500 "individus mis en attention pour leur appartenance à la mouvance islamique, la mouvance radicale, ou leur lien avec la mouvance" parmi les 20.000 fiches S.
- 15 à 30 hommes pour chaque fiché -
Mohamed Merah, Yassin Salhi (qui avait décapité son patron à Saint-Quentin-Fallavier), les trois assaillants du Bataclan, les frères Kouachi, Amédy Coulibaly: tous ont été fichés, à un moment ou un autre. Et tous sont passés à l'acte.
Abdel Malik Petitjean, un des deux auteurs de l'attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray, était fiché S depuis le 29 juin pour avoir voulu gagner la Syrie.
Dès qu'ils sont mis en examen, les services de renseignement ne peuvent plus suivre ni intercepter les gens les plus dangereux "à moins, s'ils sont impliqués dans un autre projet, qu'une autre enquête soit ouverte", soulignait Patrick Calvar, le patron de la DGSI, devant la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015.
"La judiciarisation met fin à la surveillance", résume Jean-Charles Brisard.
Face à la multiplication du nombre de fiches S, la tâche s'avère compliquée pour les services de renseignement. Manque de moyens humains, difficulté de détecter une action imminente, invoquent les experts.
"C'est illusoire de penser qu'on aura un jour suffisamment de fonctionnaires pour surveiller tous les fichés, rétorque M. Brisard, il en faut entre 15 et 30 pour surveiller une personne 24H/24". "On doit se concentrer sur le haut du spectre", insiste-t-il, alors que des responsables de droite réclament des mesures plus dures envers les fichés S.
"Vu le nombre, les policiers vont faire une évaluation de la dangerosité pour donner des priorités. C'est comme ça qu'on rate Mohamed Merah", pointe Jean-François Daguzan.
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