Orhan Majidi et Hamid Ahmadzai, deux jeunes Afghans, campent tant bien que mal, depuis deux mois, avec une dizaine de leurs compatriotes, sur la même rampe du parking de l’immeuble de France terre d’asile, boulevard de la Villette, dans le 19e arrondissement de Paris. A chaque voiture qui veut entrer ou sortir, il faut déménager un matelas, des affaires… Etudiant, arrivé par la Turquie, Orhan ne veut pas s’éloigner, fût-ce de quelques mètres, du local de l’association qui lui a donné rendez-vous le 17 août pour lui fournir le précieux récépissé de dépôt d’une demande d’asile qui lui ouvrira probablement les portes d’un centre d’accueil. Hamid, lui, attendra dix jours de plus.
A deux pas, près du bassin de la Villette, et de l’autre côté, rue Pajol, ce sont plutôt de petits groupes de Soudanais, Erythréens, Ethiopiens qui viennent compléter cette cartographie de l’exil du monde vers Paris. Les conditions sont précaires, sans toilettes, autour d’un point d’eau unique, et les migrants sont condamnés à l’errance. Presque chaque jour, vers midi, la police les déloge, les emmène au commissariat pour identification et, parfois, délivre des obligations de quitter le territoire, avant même qu’ils aient pu formuler la moindre demande d’asile.
Ce qui a changé, depuis juillet, c’est que les évacuations ne s’accompagnent plus, comme auparavant, du travail d’encadrement d’associations spécialisées et encore moins de propositions d’hébergement : « Face à eux, les migrants n’ont plus que des policiers », constate Loïc Horellou, riverain et bénévole dans un collectif de soutien protéiforme qui prodigue repas, couvertures et tentes, et aide dans les démarches administratives. Les forces de l’ordre ont, en effet, pour mission de prévenir toute formation de nouveau regroupement.
Les pouvoirs publics n’ignorent pas que la route venant de Libye via l’Italie jusqu’à Paris est très empruntée, comme en témoigne la tension à la frontière de Vintimille et Menton (Alpes-Maritimes), où, vendredi 5 août, à l’issue d’une manifestation, 140 migrants ont tenté de franchir : « C’était la chasse à l’homme dans les rues de Menton », témoigne Martine Landry, militante locale d’Amnesty International. Treize militants de No Border ont été placés en garde à vue.
« Entre 50 et 60 personnes arrivent chaque jour à Paris, les rassemblements se forment très vite et il n’est pas question, pour la ville, de revivre le scénario de l’été 2015, avec ses campements indignes », plaide Dominique Versini, adjointe à la maire de Paris chargée, notamment, de la solidarité.
« Voilà un an que notre quartier, entre la gare de l’Est où débarquent les Afghans, la gare du Nord, chemin vers Calais, et l’unique point d’enregistrement de France terre d’asile, boulevard de la Villette, accueille de multiples campements et c’est difficile à vivre pour tout le monde, habitants, commerçants et, surtout, migrants », explique Loïc Horellou. Chaque évacuation de campement se traduit, pour en empêcher la reformation, par l’édification de grilles toujours plus hautes et robustes, entravant la circulation dans le quartier. Entre les stations de métro Jaurès et La Chapelle, l’espace sous la ligne aérienne, refuge commode, est désormais totalement condamné.
5000 places d’accueil temporaires créées
Depuis août 2015, la préfecture de la région Ile-de-France – l’accueil des migrants est une compétence d’Etat – a démantelé 26 campements et mis à l’abri près de 15 000 personnes, un véritable tour de force, apprécié des migrants puisque seulement 80 d’entre eux en sont partis.
La rumeur d’une évacuation, qui signifiait jusqu’à récemment la promesse d’un toit, attire les candidats : « Lors de la dernière mise à l’abri, le 22 juillet, nous avions, la veille, recensé 1 500 personnes et trouvé, avec beaucoup de difficultés, autant de places, mais ce sont 2 600 personnes que nous avons découvertes le matin », raconte Sophie Brocas, préfète de Paris, qui s’avoue à court de lits et a dû, en toute hâte, réquisitionner cinq gymnases. La préfecture cherche des solutions pérennes : entre 80 et 100 migrants partent, chaque semaine, vers des hébergements en province.
En 2016, 5 000 nouvelles places d’accueil temporaire ont été créées, dont 2 000 en Ile-de-France, et 216 millions d’euros ont été débloqués. « L’Etat fait des efforts, mais notre système est engorgé et absurde tant qu’il n’y a pas de solidarité entre villes. Bien accueillir 15 000 réfugiés par an est pourtant à notre portée, estime Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile, mais il faut des centres d’accueil dans une trentaine de grandes villes, après un recensement et une identification indispensables. ». « Notre projet d’ouvrir, fin septembre, un lieu humanitaire de premier accueil, à Paris, est en marche, avec l’accord de l’Etat, mais il en faut d’autres, partout en France », suggère Mme Versini.
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