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mardi, 09 août 2016

Grande mosquée de Tours : Un " gouffre financier "

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Les fondations sont faites mais il reste tout à construire. Pour une ardoise de plusieurs millions. Les dons ne suffiront pas. Trop tard pour prévoir plus petit.

Ce n'est pas un cadeau, mais un gouffre financier, un boulet, laisse tomber Mebarek Bouchekioua, une des « figures » de la communauté musulmane tourangelle, ex-trésorier, proche de son président Salah Merabti. Cet ancien cadre de la SNCF, né en Algérie, venu à Tours dans les années 60, parle sans détours sur un sujet devenu sensible : le chantier de la grande mosquée de Tours, dans la zone du Menneton.

Alors qu'au sommet de l'État, on remet sur le tapis le financement « du culte musulman » de France, à Tours, la communauté islamique tend le dos. Elle traîne son dossier de grande mosquée depuis plus de vingt ans. Les travaux ont débuté en 2008. Aujourd'hui, on ne voit toujours qu'une immense dalle de béton sortie de terre.
 TERRAIN. Sur d'anciens jardins ouvriers, 2 ha le long de la voie ferrée, en fond de zone industrielle, il n'est pas adapté, en contrebas de la rue Charles-Bedaux, et il est mal desservi par les transports en commun. Acheté 50.000 francs à la Ville, du temps de Jean Germain, il a fallu le racheter 80.000 € suite à un recours d'opposants au tribunal administratif, « dix fois plus, et on a dû taper dans la caisse destinée à la construction », précise avec amertume Mebareck Bouchekioua. Premier coup dur.
 BÂTIMENTS. Les fondations sont achevées, mais au prix fort. Il a fallu couler des pieux dans le sol pour asseoir la structure. Cette première tranche achevée, sous-sols, parkings, « c'est 40 % de fait ». Reste la seconde à entreprendre, la plus importante, salles de prières et d'ablutions hommes et femmes à l'étage, sanitaires, logement pour l'imam, aménagements intérieurs, dôme et (petit) minaret. Un appel d'offres vient d'être lancé pour trouver « une entreprise sérieuse ». Les travaux débuteraient au mieux début 2017. Pour une ouverture dans un, deux, trois ans ?
 FINANCES. Le total des travaux était estimé en août 2002 à 4,9 millions TTC, rien que pour le « centre cultuel », la partie religieuse. Combien au final ? Mebarek Bouchekioua y va avec des pincettes sur la note définitive, mais assure : « On ne vit que des dons de nos fidèles. La loi est claire et précise. On n'a pas touché un centime d'euro de la collectivité, et rien de l'étranger, malgré les promesses. » Les dons des fidèles ? Le système a ses limites, « même si, parfois, on a de gros donateurs, généreux, anonymes », glisse l'ex-trésorier. Dans la communauté, il y a des médecins, des avocats, des chefs d'entreprise qui sortent le carnet de chèques au besoin.
Une certitude, l'aumône du ramadan de juin dernier a rapporté 25.000 €, 14.000 € d'avoir général, comme l'indique le tableau des comptes à la vieille mosquée de la rue Lobin à Tours. Et l'avoir général affiché était de 828.838 € à la date de ce 2 août 2016, « une somme destinée au chantier ». Salah Merabti, président de la communauté, parlait récemment de « 1,2 million d'euros nécessaires pour finir le gros œuvre », et évoquait l'ouverture de la grande mosquée « en 2017 ». Trop optimiste ?
 SALLE CULTURELLE. Ce devait être la cerise sur le gâteau, et c'était dans le « contrat » signé par l'ancien maire. Prévue à côté des installations religieuses, destinée aux animations extérieures, conférences, échanges interreligieux, elle devait être financée par les collectivités locales, Région, Ville, Agglo. Tout le monde fait le mort aujourd'hui. Vu les évènements nationaux et la présidentielle qui pointe son nez, les musulmans ne voient pas le bout du tunnel.

indiscret

> La mosquée de la rue Lobin à Tours a la particularité d'être la propriété de la Grande Mosquée de Paris. Celle-ci « en est propriétaire sans l'avoir achetée. On lui a légué nos locaux dans le passé pour éviter toute récupération locale. » Alors, aidera-t-elle à la construction de la grande mosquée de Tours ? Silence radio. Vendre les locaux de la rue Lobin pour payer le chantier du Menneton ? Pas envisagé du tout.
> Le président de la communauté musulmane tourangelle, Salah Merabti, vient d'écrire au recteur Dalil Boubakeur pour lui signifier qu'il faut « unifier les lieux de culte » et faire « qu'aucune structure n'échappe aux contrôles ».
> Salah Merabti, septuagénaire, a des soucis de santé et doit se reposer. Dans son entourage, certains n'ont pas apprécié la façon dont il a été accueilli et entendu au commissariat de Tours en juin, suite à la découverte d'un homme jugé « dangereux » qui se cachait dans les sous-sols du chantier de la grande mosquée. Le président (depuis vingt ans), apprécié des siens, a déjà annoncé qu'il cherchait un successeur.
> Petite phrase de Mebarek Bouchekioua : « Les autorités nous demandent plus que ce qu'elles nous donnent. »

 

billet

Pas dans la rue

Les musulmans de Tours poussent les murs et bricolent leurs locaux « pour ne pas prier dans la rue, car cela donne une mauvaise image de nous », se désole Mebarek Bouchekioua, un des piliers de la communauté, qui ajoute avec humour : « Quand on prie, on est tellement serrés les uns contre les autres que, si on jette une pièce en l'air, elle ne retombe pas par terre ! » Le chantier de la grande mosquée est lancé depuis bientôt dix ans. Impossible de faire marche arrière, de réduire la voilure, sinon, c'est le scandale financier et religieux assuré. Le coup est parti. Il faut aller jusqu'au bout, à marche forcée, avec l'argent des fidèles. L'État, lui, s'interroge sur « l'islam de France », son financement, la formation des imams, la sécurité. Un autre chantier, bien plus vaste, coûteux et polémique.

Olivier Pouvreau
 

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