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dimanche, 28 août 2016

Burkini : le Conseil d'Etat calme le jeu, pas les politiques

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La suspension de l'arrêté anti-burkini de Villeneuve-Loublet par le Conseil d'Etat ce vendredi ravive la polémique.

La décision du conseil d'Etat est tombée ce vendredi 26 août après-midi : la plus haute-juridiction administrative française a finalement décidé de suspendre l'arrêté "anti-burkinis" de la commune de Villeneuve-Loubet. Une sentence qui devrait faire jurisprudence et pouvoir s'appliquer en cas de nouvelles contestations de la trentaine d'arrêtés municipaux similaires pris en France depuis le début de l'été.

Sauf que l'arbitrage rendu par le Conseil d'Etat est loin d'avoir calmé la classe politique qui se déchire désormais sur l'interprétation à donner à cette décision. Etat des lieux.

La droite clivée, l'extrême-droite dans l'outrance

C'est peu dire que l'extrême-droite a mal accueilli l'ordonnance rendue ce vendredi. A peine la décision du Conseil d'Etat connue, les élus du Front national se sont rués sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision pour dénoncer  ce qu'ils qualifient de victoire des "islamistes", pointant du doigt un "recul face au communautarisme" et la "soumission" de la juridiction "aux pressions islamistes". 

Dans un communiqué, Marine Le Pen qualifie même le débat sur le burkini - que ses troupes ont pourtant largement contribué à monter en épingle - de "révélateur des conséquences de plus en plus néfastes de l’immigration massive et du communautarisme que les gouvernements de droite et de gauche ont organisés depuis de nombreuses années". Rien que ça.

Mais là où la décision du Conseil d'Etat semble faire l'unanimité contre elle à l'extrême-droite, chez Les Républicains, la question est en passe de devenir centrale dans la bataille qui oppose les ténors du parti dans la course à la primaire de la droite et du centre. Pour ou contre une nouvelle loi, il faut désormais choisir.

Dans un entretien au "Figaro" à paraître samedi, Alain Juppé déclare ne pas être favorable à une loi "de circonstance" interdisant le burkini. Une opposition claire et ferme à son principal rival Nicolas Sarkozy, qui répète à l'envie - comme la grande majorité des autres candidats - son intention de légiférer sur le sujet en cas de retour à l'Elysée.

"Résistons à la tentation d'exiger des lois de circonstance au fil des polémiques médiatiques", tacle le maire de Bordeaux.

L'ex-Premier ministre - qui avait approuvé les arrêtés d'interdiction - s'était déjà déclaré contre l'interdiction du voile à l'université prônée par Nicolas Sarkozy, alors président de LR et pas encore candidat à la primaire des 20 et 27 novembre 2016. "Dans l'état de tension et de souffrance dans lequel se trouve la société française, nous serions tous bien inspirés d'arrêter de jeter de l'huile sur le feu", avance Alain Juppé, sans citer l'ancien président de la République.

Les maires (et Manuel Valls) persistent

La droite affûte ses couteaux mais Manuel Valls est probablement celui dont le positionnement sur la question du burkini est le plus fragilisé par l'ordonnance de ce vendredi. Via un post Facebook - qui signe son isolement dans son propre camp - le Premier ministre estime que la suspension de l'arrêté anti-burkini à Villeneuve-Loubet "n'épuise pas le débat qui s'est ouvert dans notre société" sur cette question. Il persiste et signe, malgré les appels à l'"apaisement" lancés par son ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve dans la journée.

"C'est un débat de fond, qui vient après d'autres : il y a trente ans, la question du foulard dans les écoles, puis la loi de 2004 sur le port de signes religieux, et celle de 2010 sur le voile intégral dans l'espace public", écrit Manuel Valls :

"Je veux répondre clairement : dénoncer le burkini, ce n'est en aucun cas mettre en cause une liberté individuelle. Il n'y a pas de liberté qui enferme les femmes ! C'est dénoncer un islamisme mortifère, rétrograde", tempête-t-il.

Au gouvernement pourtant, le sujet est sensible et les vues de Matignon sont loin d'être partagées, d'autant que les hésitations de François Hollande ne donnent à personne l'assurance d'être soutenu par l'Elysée. La ministre de l'Eduction Najat Vallaud-Belkacem et celle de la Santé Marisol Touraine s'étaient inquiétées de la "dérive" des arrêtés municipaux, alors que Manuel Valls apportait son soutien aux maires, offrant à l'opposition le spectacle d'une nouvelle cacophonie gouvernementale.

Enfin, comme si cela ne suffisait pas, plusieurs édiles à l'origine des arrêtés anti-burkinis ont déjà fait savoir que la décision de ce vendredi ne changerait rien, ou presque. Les maires de Leucate, Nice, Fréjus ou Sisco ont annoncé qu'ils ne se rangeraient pas à l'avis du Conseil d'Etat, tant que "leur" arrêté ne sera pas invalidé. "L'arrêté de Fréjus est toujours valable", a confirmé le maire frontiste de Fréjus David Rachline :

"Aucune procédure n'est en cours contre notre arrêté", a-t-il affirmé, rappelant que le texte court jusqu'au 12 septembre.

Et tant pis pour ceux qui espéraient - enfin - voir la polémique s'éteindre d'elle-même.

Lucas Burel

Le nouvel obs

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