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lundi, 29 août 2016

État de droit, réactions politiques et laïcité, tout comprendre sur la polémique autour du burkini

En quelques jours, le vêtement de bain est devenu l'objet d'une crise sociétale et politique de grande envergure.

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Le burkini, ou quand un vêtement déchaîne la société et la sphère politique. Depuis le début du mois d'août, cette tenue de bain, destinée aux femmes musulmanes désireuses de se baigner sans se découvrir, divise le gouvernement et suscite l'incompréhension à l'étranger. Le burkini, contraction des mots "burqa" et "bikini", couvre entièrement le corps et les cheveux mais laisse les mains et le visage à l'air libre. Le vêtement a été créé en 2003 en Australie par Aheda Zanetti, une styliste d'origine libanaise. 

Tout a commencé le 3 août : un événement privé organisé dans un parc aquatique à Plan-de-Campagne, près de Marseille, indigne les élus de droite et d'extrême-droite. L'association Smile 13, qui se présente comme une "association socio-culturelle, sportive et d'entraide pour femmes et enfants", propose sur sa page Facebook une journée burkini, le 10 septembre, dont sont exclus les maillots une et deux pièces. "Le parc autorise exceptionnellement Burkini/Jilbeb de bain", est-il indiqué.

Vague d'arrêtés municipaux

Très vite, des élus montent au créneau. "Je prends un arrêté municipal interdisant cette manifestation sur la commune au motif qu'il est susceptible de troubles à l'ordre public", a déclaré le sénateur des Bouches-du-Rhône Michel Amiel au Parisien. C'est toutefois le maire Les Républicains de Cannes, David Lisnard, qui a ouvert le bal des arrêtés anti-burkini le 11 août. Les contrevenantes sont passibles d'une amende de 38 euros. Lionnel Lucas, député-maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) a emboîté le pas de son homologue cannois dans la foulée. Lundi 15 août, Ange-Pierre Vivoni (PS), édile de Sisco (Haute-Corse), a également pris le parti d'interdire le port de ce vêtement après une violente rixe inter-communautaire durant le week-end du 15 août. 

La classe politique divisée

D'abord concentré dans les familles politiques de droite et d'extrême-droite, le débat s'est envenimé jusqu'à diviser au sein du gouvernement. Féministe et opposée au burkini, la ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem a estimé que "la prolifération" des arrêtés n'était "pas la bienvenue". Celle-ci a très vite été recadrée par le Premier ministre Manuel Valls, affirmant que ces mesures prises à l'échelle municipale "ne sont pas une dérive". Dans le même temps, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a affirmé qu'elle considérait le burkini comme une "stigmatisation dangereuse pour la cohésion de notre pays". 

Dans l'opposition, le sujet devient une arme de campagne, à trois mois de la primaire à droite. François Fillon a ainsi déclaré qu'il trouvait regrettable que le Front national appelle à l'État de droit et pas Nicolas Sarkozy. "Cet été, j’ai été gêné et malheureux de voir Marine Le Pen défendre l’Etat de droit et se permettre de tancer certains responsables de mon parti sur ce sujet."

Les communes ont-elles le droit de le bannir ?

Aucune loi n'interdit le port de ce vêtement sur l'ensemble territoire français. Il est en principe tout à fait possible de porter cette tenue sans être inquiété. En France, il est interdit de porter le voile intégral, comme la burqa et le niqab qui couvrent le visage, depuis la loi de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. D'après la justice, les maires sont toutefois en droit de l'interdire pour leur commune

Après la décision de David Lisnard, un recours a été porté devant le tribunal administratif de Nice (Alpes-Maritimes). Contre toute attente, le recours, notamment porté par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et la Ligue des droits de l'Homme, a été rejeté. Dans les motivations de la décision, le juge expose un contexte marqué par les attentats de Nice, il y a un mois et demi, qui pourrait pousser à ne pas interpréter le port de ce vêtement comme "un simple signe de religiosité". Au lendemain de cette décision, le CCIF a annoncé son pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.

Le Conseil d'État suspend un arrêté

Le Conseil d'État a finalement décidé vendredi 26 août 2016, de suspendre l'arrêté anti-burkini de la commune de Villeneuve-Loubet. Pour justifier leur décision, le collège de trois juges, saisi par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), a argué que toute interdiction de ces tenues de bain devait s'appuyer sur des "risques avérés" pour l'ordre public. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) s'est félicité de cette décision "de bon sens" en la qualifiant de "victoire du droit".

Très attendue, cette décision de la plus haute juridiction administrative fait jurisprudence : le cas de Villeneuve-Loubet est tranché pour l'exemple, au vu de la trentaine d'arrêtés municipaux similaires pris en France cet été. 

Que risquent les maires qui souhaitent maintenir leur arrêté ?

En réaction à la décision du Conseil d'État, plusieurs maires ont annoncé leur détermination à maintenir leur arrêté anti-burkini. Le maire socialiste de la commune de Sisco (Haute-Corse), en proie à de vives tensions lors de ce mois d'août, a fait savoir à l'AFP qu'il avait pris son arrêté "pour la sécurité des biens et personnes" de sa commune et ne comptait pas l'abroger.

"Pour l'instant, les autres maires peuvent faire comme si de rien n'était en sachant bien qu'à court terme, ils s'exposent à des recours devant les tribunaux administratifs, qui, bien sûr, appliqueront la décision du Conseil d'État", a expliqué un avocat, maître François Molinié, au Figaro. "Les maires pourront alors, à leur tour, invoquer les risques pour la sécurité et faire appel de ces décisions devant le juge des référés du Conseil d'État."

Clémence Bauduin

Rtl.fr

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