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mercredi, 07 septembre 2016

Calais, Marseille : la France sombre dans le chaos

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Deux personnes ont été tuées dans des réglements de compte à Marseille alors que la situation à Calais s'aggrave de jour en jour. Pour Xavier Saintcol, l'ensemble de la classe politique a fait du mot «délinquance» un nouveau tabou.


Xavier Saintcol est juriste.


Nous vivons une période étrange. Bien sûr le terrorisme a frappé la France à cinq reprises en 18 mois: 7 et 9 janvier, 13 novembre 2015, 14 et 21 juillet 2016. 250 personnes ont été tuées.

Mais au-delà de ces tragédies épouvantables, la violence et la barbarie se répandent dans l'indifférence générale, noyées dans le maelström de l'actualité. L'hécatombe se poursuit à Marseille: deux meurtres supplémentaires dans la nuit de lundi à mardi. Cela porte à 25 le nombre des tués depuis le début de l'année dans la cité phocéenne livrée à la loi des gangs.

Mais il y a pire. Le 30 août, dans la même ville, un retraité de 80 ans, Eugène, qui effectuait sa promenade quotidienne en face de chez lui, a été dépouillé de sa chaîne en or et roué de coups jusqu'à la mort, sans que ce lynchage n'indigne ni ne fasse réagir. On pourrait aussi parler de ce couple de personnes âgées, de 77 ans, dans le Maine-et-Loire, agressé à son domicile, dont l'homme, victime de sept coups de couteau, s'en est sorti par miracle. Dimanche des milliers de personnes d'origine chinoise ont manifesté pour protester contre les persécutions dont leur communauté fait l'objet, à la suite du meurtre de l'un des leurs, dans le silence des intellectuels et des associations antiracistes. La violence, dirigée contre les personnes, surtout en état de faiblesse, donne le sentiment de se banaliser insidieusement.

La situation du Calaisis amplifie ce sentiment d'impuissance de l'autorité que ressentent les Français. Près de 10 000 personnes en situation illégale, n'ayant pas le droit de demeurer sur le territoire français, ont développé une zone de non droit livrée à la violence, aux trafics de personnes humaine, aux meurtres et à la violence anti-policière, mettant en place une économie parallèle dans un climat d'impuissance radicale de l'Etat, allant jusqu'à couper des arbres pour bloquer le trafic autoroutier. D'ailleurs, s'il est principalement question du Calaisis, on ne peut ignorer que ce genre de situation de bidonvilles insalubres se répand ailleurs, par exemple à Paris.

Ces événements ont un lien entre eux: ils reflètent le déclin de l'autorité, de l'Etat de droit en France et la montée de la barbarie.

On aimerait connaître les chiffres de la délinquance. Dans les années 2002 à 2012, les statistiques des dépôts de plainte étaient rendus publiques chaque mois par le gouvernement dans un climat de transparence. Bien sûr, ces statistiques n'étaient pas parfaites, mais au moins les Français avaient le sentiment d'un suivi du nombre de cambriolages, meurtres, attaques à main armée, violences gratuites... Aujourd'hui, ces données font l'objet d'une relative discrétion en dehors d'un bilan annuel aussitôt oublié après avoir été diffusé. D'ailleurs, en dehors de la presse écrite régionale, l'insécurité qui empoisonne la vie des Français n'occupe plus qu'une place marginale sur les écrans de télévision et les émissions de radio. Un mot d'ordre semble être tombé sur ces sujets: silence! La question est redevenue taboue: surtout, ne jamais en parler pour tenter de la faire oublier.

Elle n'intéresse même plus la classe politique française, noyée dans ses postures, ses haines et ses ambitions carriéristes. Les candidats à la primaire de droite en parlent à peine, comme si la question risquait de salir les mains ou de renvoyer aux échecs des uns et des autres. Même l'extrême droite n'en fait plus comme jadis ses choux gras. Tout se passe comme si la France dite d'en haut, la France de la politique nationale et médiatisée, de l'extrême droite à l'extrême gauche, avait délibérément choisi de laisser «la vile multitude» - la France des quartiers sensibles, du monde rural et des zones urbaines, des enfants et des personnes âgées en état de faiblesse - seule avec ses misères du quotidien. Il est tout de même étonnant que les questions de sécurité soient à tel point ignorées des plus hautes autorité de l'Etat. Le mot «délinquance» a-t-il jamais été, même une fois, prononcé par un chef de l'Etat qui parle quasiment tous les jours? La gauche, engoncée dans ses oripeaux idéologiques, veut éviter toute stigmatisation des «classes dangereuses» et baigne plus que jamais dans l'angélisme et le culte de l'excuse. La droite et l'extrême droite ont jugé plus efficace, en termes électoralistes, d'enfourcher le combat «identitaire» plutôt que celui de l'autorité de l'Etat. Dès lors, la sécurité dans la vie quotidienne n'intéresse plus personne et les Français les plus humbles, les plus fragiles, les plus exposés à la barbarie quotidienne, se sentent abandonnés par le monde politique alors que la France sombre imperceptiblement dans une zone de chaos banalisé.

Le Figaro

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