Le Premier ministre hongrois Viktor Orban poursuit sa bataille contre Bruxelles en demandant mardi au parlement d'inscrire sa politique hostile aux demandeurs d'asile dans la Constitution, mais il pourrait être mis en difficulté dans ce vote qui exige une majorité renforcée.
Le puissant parti d'extrême droite Jobbik semble en effet décidé à négocier chèrement son soutien à la révision de la loi fondamentale que le dirigeant souverainiste veut faire adopter pour rendre illégale, en droit hongrois, la relocalisation par l'UE de réfugiés en Hongrie.Le parti Fidesz de M. Orban ne bénéficie plus au parlement de la majorité des deux tiers requise afin de modifier la Constitution et il a besoin de l'appui d'autres parlementaires pour ce vote prévu mardi matin.
Un vote du parlement hongrois dont "le résultat n'est pas joué à l'avance" constitue une première en six ans de gouvernement Orban, estime le site d'information indépendant Index.hu. Un rejet de l'amendement serait également un camouflet législatif pour le chef de l'exécutif.
L'initiative a été prise par le Premier ministre dans la foulée de son référendum invalidé contre le mécanisme européen de répartition des réfugiés, début octobre.
Alors que cette consultation n'a pas atteint le quorum nécessaire pour avoir force légale -- 50% des inscrits --, le Premier ministre y voit un plébiscite pour sa politique antimigrants car le non aux réinstallations de réfugiés a recueilli 98,3% des voix exprimées.
Viktor Orban estime légitime de graver le vote de ces 3,3 millions d'électeurs --sur 8,2 millions d'inscrits-- dans la Constitution.
Le Fidesz compte 131 parlementaires avec ses alliés chrétiens-démocrates, et il lui manque deux voix pour obtenir la majorité des deux tiers requise à cet effet.
Alors que les 38 députés des partis de gauche ne soutiendront pas l'amendement, les 24 députés du Jobbik, qui partagent l'hostilité du gouvernement vis-à-vis des étrangers, ont trouvé une occasion inespérée de faire pression sur la majorité.
- 'Défi à Bruxelles' -
L'extrême droite hongroise est un sérieux concurrent pour le Fidesz dans la perspective des prochaines législatives prévues en 2018.
Comme préalable à son soutien, le dirigeant du Jobbik Gabor Vona exige que le gouvernement cesse d'accorder des permis de résidence aux riches investisseurs extra-européens.
Depuis 2013, la Hongrie a émis plus de 10.000 obligations d'Etat, d'une valeur nominale de 300.000 euros, ouvrant droit à un permis de résidence et à la possibilité de voyager au sein de l'espace Schengen. La plupart d'entre elles ont été acquises par des Russes, des Chinois et ressortissants de pays du Moyen-Orient.
Ce régime est vigoureusement combattu par le Jobbik, qui estime notamment qu'il représente un danger pour la sécurité de l'Etat. "Ni les riches migrants, ni les riches terroristes ne doivent pouvoir venir (en Hongrie)", a souligné M. Vona récemment.
M. Orban a semblé d'abord pris au dépourvu par cette bravade du Jobbik, disant qu'il "allait envisager" la suggestion du parti, avant de déclarer qu'il "ne voulait pas céder au chantage".
Le gouvernement a ensuite bâti une ligne de défense consistant à accuser l'extrême droite de sacrifier l'intérêt national --le vote de l'amendement-- pour des motifs politiciens.
Le projet d'amendement constitutionnel établit que "les populations étrangères ne peuvent pas être réinstallées en Hongrie" et que les ressortissants de pays tiers à l'UE ne peuvent vivre en Hongrie que sur la base de requêtes individuelles, examinées par les autorités.
"L'amendement n'aura pas vraiment d'impact juridique, pas plus qu'il n'entrerait en conflit avec la législation européenne, les étrangers n'entrant déjà en Hongrie que sur une base individuelle", estime Bulcsu Hunyadi, analyste de l'institut Political Capital.
"C'est un instrument de politique intérieure, pour donner l'image d'un défi à Bruxelles", selon l'analyste Kornelia Magyar de l'institut Progressive Policy Institute (PPI).
Le Premier ministre, qui depuis deux ans n'a cessé d'amplifier une campagne aux accents xénophobes contre l'immigration extra-européenne, refuse d'accueillir les 2.300 demandeurs d'asile qui lui sont dévolus dans le cadre du plan européen de répartition dans l'UE de 160.000 demandeurs d'asile adopté par les 28 il y a un an.
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