Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 14 novembre 2016

Les "tribunaux islamiques" britanniques dans le collimateur

 

 
La charia ou loi islamique appliquée au Royaume-Uni? L'idée a de quoi surprendre mais c'est pourtant le cas depuis 1982. Un usage sur lequel les parlementaires britanniques ont décidé de se pencher après des accusations de discrimination envers les femmes.
Le premier tribunal ou conseil de la charia est apparu en 1982 à Londres, sous le gouvernement de Margaret Thatcher, promotrice du désengagement de l'État dans de nombreux domaines dont celui de la médiation lors de conflits familiaux, déléguée aux organisations confessionnelles.

Ces "charia courts" sont censés régler principalement les divorces islamiques qui constituent 90% des affaires traitées.

Très peu de données sont disponibles sur ces tribunaux. Le pays en compterait aujourd'hui entre 30, selon une étude de l'université de Reading, et 85, selon le cercle de réflexion britannique Civitas. Il peut s'agir d'une unité réunissant des spécialistes de l'islam rattachée à une mosquée, d'organismes informels ou même d'un imam seul.
Censés faciliter la résolution de conflits familiaux et parfois commerciaux au sein de la communauté musulmane, le fonctionnement opaque de ces conseils de la charia est critiqué tandis que les accusations de discrimination contre les femmes se multiplient.

Au point que deux enquêtes, l'une indépendante initiée par le gouvernement et l'autre parlementaire, ont été ouvertes en mai et juin pour voir s'ils sont compatibles avec la loi britannique.
Ces enquêtes doivent se pencher sur leur fonctionnement et de possibles pratiques discriminatoires, notamment sur le refus d'octroyer des divorces religieux à des femmes victimes de violences conjugales.


- Rendre les mariages civils obligatoires -


Au Royaume-Uni, qui n'est pas un Etat laïc, "des tribunaux religieux existent depuis des centaines d'années", a rappelé dans un témoignage écrit à la commission parlementaire Amin Al-Astewani, professeur de droit à l'université de Lancaster.

Qu'il s'agisse des instances catholiques au sein des diocèses, des conseils de la charia ou du Beth Din des juifs, leurs décisions ne sont pas juridiquement contraignantes, a-t-il expliqué, mais elles représentent une forte contrainte morale et sociale pour les personnes qui y ont recours.

Pour Shaista Gohir, la présidente du réseau des femmes musulmanes au Royaume-Uni, les conseils de la charia sont utiles aux musulmanes mais doivent être étroitement encadrés "par un code de conduite stricte".

Auditionnée par la commission parlementaire, elle a appelé à rendre obligatoire les mariages civils avant tout mariage religieux, alors que 40% des femmes qui contactent son organisation d'aide aux musulmanes ne sont mariées que religieusement.

Pour d'autres féministes musulmanes, ils constituent "un système judiciaire parallèle" et doivent être "interdits". Une lettre ouverte allant dans ce sens a été signée en juillet par plus de 200 organisations nationales et étrangères de défense des femmes.
Un projet de loi pour limiter leur champ d'action est actuellement à l'étude à la chambre des Communes.

"Ces tribunaux de la charia sont discriminatoires, préjudiciables aux droits des femmes et ils approuvent et légitiment la violence", notamment les viols au sein du couple, a déclaré à l'AFP Maryam Namazie, porte-parole de la campagne One Law for All (Une loi pour tous) qui prône leur interdiction.

"Avant 1982, les musulmanes britanniques obtenaient des divorces sans ces tribunaux", a-t-elle fait valoir. Elle a également dénoncé leur liens avec "la mouvance islamiste transnationale".

Un avis partagé par la politologue suisse Elham Manea qui a enquêté pendant quatre ans sur ce phénomène et en a tiré un livre: "Women and Sharia Law".

"Les groupes islamistes à l'origine de la création de ces conseils ont bénéficié d'un soutien tacite de l'establishment britannique" qui "hésite à interférer dans ce qu'il considère être des affaires internes à la communauté musulmane", a-t-elle dit à l'AFP.

En attendant les conclusions des enquêtes en cours, la grande mosquée de Londres tente de les dénombrer et d'organiser le fonctionnement des "charia courts" en les rassemblant au sein d'une nouvelle organisation, le comité pour le Royaume-Uni des conseils de la charia (UK Board of Sharia Councils) qui en compte, pour l'heure, 15.

Les commentaires sont fermés.