Salafisme quiétiste « pacifique » ou « message insidieux » pro-djihadisme ? La mosquée d'Ecquevilly conteste lundi devant le Conseil d'État sa fermeture décidée par le préfet des Yvelines, qui l'accuse d'appeler « à la discrimination et à la haine, voire à la violence ». Le 2 novembre, la préfecture avait ordonné la fermeture jusqu'à la fin de l'état d'urgence de cette salle de prière d'Ecquevilly, 4 000 habitants, proche des Mureaux, dont les cités sensibles sont minées par des affaires d'islamisme radical. En cause, non pas des liens directs avec les filières djihadistes, mais la teneur des discours de son populaire imam.
La mosquée est « un lieu de référence influent de la mouvance salafiste, prônant un islam rigoriste, appelant à la discrimination et à la haine, voire à la violence, à l'encontre des femmes, des juifs et des chrétiens », et l'imam « a légitimé dans un prêche » du 20 novembre 2015 les attentats parisiens, écrit le préfet dans son arrêté. La menace terroriste, souligne-t-il, implique « des individus de plus en plus jeunes dont le trait commun est de fréquenter assidûment des mosquées salafistes ».
Note blanche de la préfecture
Le 17 novembre, le tribunal administratif de Versailles, saisi au nom de la liberté de culte par l'Association islamique Malik Ibn Anas, qui gère la mosquée, avait confirmé sa fermeture. Ses avocats avaient annoncé ce recours devant le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative, examiné lundi à 17 heures. « On ne voit pas en quoi la lutte contre le terrorisme imposerait de bâillonner toutes les formes d'islam en France au seul motif qu'elles ne répondraient pas à tous les canons de l'islam républicain », avaient dit, mi-novembre à l'Agence France-Presse, Mes Vincent Brengarth et William Bourdon, dénonçant un amalgame entre salafisme et djihadisme.
Le tribunal administratif, pour confirmer la fermeture, s'était appuyé sur une note blanche produite par la préfecture. Cette note « précise et circonstanciée », soulignait le juge des référés, attribue à l'imam plusieurs propos litigieux relatifs à l'islam ou aux femmes, « incitatifs à la haine, à la discrimination, au non-respect des lois de la République et à la violence ». De même pour des ouvrages disponibles dans la bibliothèque. Ces discours ont « déjà des effets négatifs sur la cohésion sociale à Ecquevilly en raison d'une pression religieuse s'exerçant notamment sur les femmes insuffisamment ou non voilées et rejaillissant sur les relations entre les enfants », poursuivait le magistrat.
Salafisme quiétiste
À l'audience, la représentante du ministère de l'Intérieur avait décrit « un message insidieux, subliminal, qui instille l'idée dans la communauté que, finalement, les attentats sont tolérables », derrière une « vitrine propre » qui condamne le terrorisme. « Aucun » élément n'étaye les accusations, avait rétorqué Me Brengarth, « c'est simplement une affirmation d'autorité ». Dans sa requête, l'association rappelle que la mosquée, qui se revendique du salafisme quiétiste (ordinaire) et non du salafisme « révolutionnaire » qui « constitue la mouvance djihadiste », est « apolitique et pacifique ». Elle répète avoir « toujours condamné » le terrorisme et la violence, notamment dans des tracts après le 13 novembre. « Aucun » de ses fidèles, assure-t-elle, n'est à sa connaissance mis en cause dans un dossier terroriste ni assigné à résidence. Retranscriptions à l'appui, l'imam nie avoir tenu les propos reprochés.
Une vingtaine de mosquées et salles de prière présumées radicalisées ont été fermées depuis l'instauration de l'état d'urgence après les attentats du 13 novembre 2015. La France compte quelque 120 mosquées et salles de prière salafistes ou sous influence du salafisme, courant fondamentaliste sunnite.
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