Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 23 janvier 2017

Islamisation de la France : quand la charia crée ses ghettos

 

 
Des musulmans en prière dans un stade, à Marseille. Une occupation de l'espace public de plus en plus visible. Photo © AFP
 

Islamisation. Aux quatre coins du pays, la charia a créé ses ghettos. Dans le décor comme dans les relations personnelles, certains quartiers et certaines populations sont en voie de partition avancée. Tour d’horizon d’un processus qu’il y a tout lieu de craindre inexorable.

 Devant le bar où Ismaël (le prénom a été changé) sirote tristement son verre, un cortège de salafistes défile d’un pas rapide, véritable procession de têtes baissées et de corps ficelés dans des qamis, ces djellabas sans capuche, desquelles dépassent les seules chevilles. La France parallèle, celle de la charia, des provocations et des fichés S, celle de la région parisienne comme des grandes villes de province, détourne son regard du petit café sans âme du Blanc-Mesnil et presse le pas pour se rendre à la mosquée.

 Elle supporte difficilement l’attitude “trop française” de son mari

À 43 ans, Ismaël, agent de sécurité dans le secteur privé, amateur de scotch bon marché à ses heures, est considéré comme l’apostat du quartier. Au mieux, on le raille. Au pire, on le menace. Une islamisation culturelle, qui doit beaucoup à la démographie, et à des intégristes toujours plus nombreux et plus craints que jamais. « On ne me considère pas comme un musulman. Même mes parents ne m’ont jamais vu comme un homme assez pieux. Il y a seulement quinze ans, en France, ça allait encore. Mais désormais c’est pesant, que ce soit au travail, où mes collègues prennent des pauses pour prier et faire leurs ablutions tout en me sermonnant, ou dans une mosquée de La Courneuve dont j’ai pourtant été le secrétaire bénévole. On m’appelle d’ailleurs le “mécroyant” [sic]. Aujourd’hui, c’est même au tour de mes voisins de culture chrétienne de me rappeler mes obligations au moment du ramadan », confie, tout en se resservant un verre, ce petit homme, débarqué en France en 1991.
 
Sa femme, bien plus religieuse, reste à la maison toute la journée. Quoiqu’analphabète, elle prétend savoir lire le Coran et tout connaître des hadiths. Elle supporte difficilement l’attitude “trop française” de son mari, mais semble beaucoup plus tolérante à l’égard d’une mosquée de La Courneuve, où sa fille, inscrite à l’école coranique de l’association cultuelle, a tout bonnement appris qu’elle ne pourrait réaliser son rêve, devenir avocate, « un métier de menteur et donc non islamique », lui a-t-on expliqué. Omnisciente sur l’islam, elle n’est pas au courant qu’Ismaël, d’origine mauricienne comme elle, fuit régulièrement, pour aller trinquer au bar, le climat familial du petit pavillon HLM plutôt coquet qu’ils occupent, à 200 mètres à peine de la mosquée salafiste du Blanc-Mesnil, lieu que fréquentait Samy Amimour, l’un des assaillants du Bataclan. Dans cet estaminet, on sert toujours de l’alcool, y compris les vendredis de grande prière. Pour combien de temps encore ?

« La génération Mitterrand est arrivée dans la magistrature et n’ose pas agir. C’est foutu »

Depuis quelques années, on n’y organise plus la fête de la Musique. Ça embêtait le voisinage, trop pieux, trop conservateur, trop majoritairement islamiste, et plus habitué aux bistrots ethniques — c’est-à-dire sans alcool — de la ville voisine de Bondy, où le café allongé de lait et servi dans des verres a remplacé la bière pression, et d’où les femmes sont absentes. Dans le coin, la seule pression qui existe est celle exercée par les islamistes.
 
Le patron du bar, d’origine algérienne, ne veut pas s’en ouvrir : « Non, non, ne me citez pas… Je préfère ne pas en parler. » On sent son agacement et sa gêne cependant que des fidèles musulmans, revêtus de chasubles fluorescentes, font au même moment des gestes de sémaphores pour régler la circulation, anarchique à cette heure de la journée, devant la mosquée. En l’absence de la police municipale, pourtant créée sous le mandat — commencé en 2014 — du maire LR Thierry Meignen, ce sont eux qui assurent cette mission.
000_Par7694876.jpg
Une femme en "jilbab" sort d'une salle d'audience au tribunal. Exploiter toutes les failles de la loi. Photo © AFP
Autre front sur lequel la charia ne cesse de progresser et la République de reculer : le mariage. Ismaël s’est d’abord contenté de se marier religieusement mais, ajoute-t-il, « depuis, j’ai régularisé ma situation… Au bout de dix ans, je suis finalement passé devant le maire ». Un cas qui n’est pas du tout isolé. Nombreux sont les imams à outrepasser le code pénal, qui sanctionne pourtant le mariage exclusivement prononcé par un ministre du culte. « Qui se souvient d’une condamnation d’un imam pour de telles pratiques ? C’est pourtant puni de six mois de prison », souffle un avocat marseillais, « préférant rester anonyme pour des raisons commerciales [sic] », ses clients étant pour la plupart des musulmans. « On ne veut déjà pas faire retirer le voile aux femmes venues témoigner dans les procès… Alors, allez vérifier s’ils sont, en plus, mariés civilement… Les juges sont complexés. La génération Mitterrand, celle qui n’a connu que l’idéologie du “vivre-ensemble”, est arrivée dans la magistrature et n’ose pas agir. C’est foutu », poursuit-il.
 
Les palais de justice de France, autres lieux où, lentement, un droit succède à un autre ? François, qui fut juré aux assises de Bobigny, se souvient des intimidations que la communauté musulmane adressait aux membres de la cour à la sortie des audiences : « À midi, on finissait par manger nos gamelles entre quatre murs. Trop de menaces pesaient sur nous pour qu’on aille se restaurer ailleurs. » Il n’y a pas qu’à Bobigny où l’islam se fait visible : à Béziers, dans l’Hérault, les agents de sécurité du tribunal hésitent à fouiller les femmes voilées à l’entrée. Peur du scandale ou, parfois, solidarité communautaire.
La visibilité de la “chariaïsation” est désormais une réalité de coin de rue
 
La loi, les musulmans intégristes en jouent autant qu’ils veulent et autant qu’ils le peuvent. La France n’est pas que métamorphosée dans son paysage, elle l’est également dans son organisation sociale. Ce laisser-faire législatif s’illustre notamment au moment des grands rassemblements islamiques. Ainsi, à Montpellier, à l’occasion du salon annuel des musulmans du Languedoc, sorte de répétition de celui de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) du Bourget, qui se tient quelques semaines plus tard au printemps, des petites guérites en toile, qui ressemblent à s’y méprendre à des confessionnaux, sont installées sous le hangar du parc des expositions. Elles sont appelées “espaces fatwa”. C’est là qu’on vient régler, de manière halal, son mariage religieux, ses successions… Bref, tout ce qui a trait au droit de la famille. « Il ne faut pas exagérer le rôle de ces espaces fatwa. Il y a des savants qui jouent le jeu. Même si, surtout parmi ceux proches de l’UOIF, il existe des charlatans qui officient à la manière de juges islamiques », explique en off un imam strasbourgeois. On n’est pas loin des tribunaux de la charia, qui ont poussé un peu partout en Grande-Bretagne, notamment en banlieue de Londres.
La visibilité de la “chariaïsation” des relations personnelles, sans atteindre encore celle du Royaume-Uni, est pourtant désormais une réalité de coin de rue. Noorassur, une banque islamique, vient ainsi de s’installer à Nantes, à Pont-Rousseau, plus grand quartier de la capitale de la région Pays de la Loire. Elle se situe à dix minutes du centre-ville en tramway, dans un secteur assez mixte, constitué, d’un côté, de pavillons assez bobos et, de l’autre, de barres HLM. L’agence ne désemplit pas. Les fidèles musulmans y font souvent la queue. S’appuyant sur une armée de courtiers, cet établissement, fort de son réseau national, propose des placements et des assurances qui se fondent sur la loi uniquement musulmane. « Où va l’argent ? On sait très bien que les financements halal sont assez occultes. Et qu’ils servent à subventionner des mosquées, parfois pas très recommandables. Que font les pouvoirs publics ? », s’interroge le président de l’association Vigilance halal, Alain de Peretti. Comme les boucheries ou encore les pompes funèbres halal, ce genre d’institution vient accentuer davantage la formation de nouveaux ghettos identitaires, avec des acteurs et des décors qui alimentent, de plus belle, les théories du “grand remplacement”.
 
SIPA_ap20332537_000002.jpg
Une serveuse voilée dans un "snack hallal" en région parisienne. Photo © AFP
Dans l’est du pays, Mulhouse est un autre exemple frappant de cette “halalisation” urbaine. Il suffit de se promener dans le quartier de Bourtzwiller. En Algérie, dans les années 1990, on les appelait “les hitistes”. Littéralement : ceux qui tiennent le mur. Chômeurs installés des journées entières au pied des immeubles, parfois “chouffeurs” (guetteurs) pour quelques dealers, mués en une dizaine d’années en gardiens de l’ordre moral islamique, ils sont légion dans ce quartier de la cité alsacienne, où la dernière boucherie traditionnelle, Tempé, a revendu son fonds à des commerçants halal. Tout se prête à cette islamisation tranquille : le quartier des Côteaux est un réservoir à salafistes. Le centre-ville lui-même s’est métamorphosé : on ne compte plus les bars abandonnés, les tourne-broches halal, les écoles coraniques.

« Tout a changé à une telle vitesse, ici »

Valérie, Mulhousienne de 41 ans, s’amuse sur sa page Facebook à recenser les cafés fermés, photos de devantures à l’appui. C’est devenu quasiment un passe-temps archéologique dans cette ville où s’édifie une mosquée gigantesque, le centre An-Nour, sur un terrain qui fut, naguère, industriel. Pour une vingtaine de millions d’euros, ce lieu de culte pourra accueillir au total plus de 2 300 fidèles.
« Tout a changé à une telle vitesse, ici », se lamente Valérie, qui ne prend plus les transports en commun « par peur de se faire caillasser » et garde avec elle « un Taser dans le sac à main, au cas où… » Le samedi, jour de soldes, on peine à reconnaître la ville. La rue du Sauvage, artère piétonnière du centre historique, est un défilé de femmes voilées, le marché de la place Franklin ne propose presque plus que du halal et les stands de foulards islamiques y pullulent. Comme si Mulhouse était vendu par pans entiers aux tenants d’un islam dur. Comme si le décor de l’ex-capitale du textile alsacien résumait à lui seul le détricotage de la France.


Alexandre Mendel
 

Les commentaires sont fermés.