Islamisation. Aux quatre coins du pays, la charia a créé ses ghettos. Dans le décor comme dans les relations personnelles, certains quartiers et certaines populations sont en voie de partition avancée. Tour d’horizon d’un processus qu’il y a tout lieu de craindre inexorable.
Devant le bar où Ismaël (le prénom a été changé) sirote tristement son verre, un cortège de salafistes défile d’un pas rapide, véritable procession de têtes baissées et de corps ficelés dans des qamis, ces djellabas sans capuche, desquelles dépassent les seules chevilles. La France parallèle, celle de la charia, des provocations et des fichés S, celle de la région parisienne comme des grandes villes de province, détourne son regard du petit café sans âme du Blanc-Mesnil et presse le pas pour se rendre à la mosquée.
Elle supporte difficilement l’attitude “trop française” de son mari
À 43 ans, Ismaël, agent de sécurité dans le secteur privé, amateur de scotch bon marché à ses heures, est considéré comme l’apostat du quartier. Au mieux, on le raille. Au pire, on le menace. Une islamisation culturelle, qui doit beaucoup à la démographie, et à des intégristes toujours plus nombreux et plus craints que jamais. « On ne me considère pas comme un musulman. Même mes parents ne m’ont jamais vu comme un homme assez pieux. Il y a seulement quinze ans, en France, ça allait encore. Mais désormais c’est pesant, que ce soit au travail, où mes collègues prennent des pauses pour prier et faire leurs ablutions tout en me sermonnant, ou dans une mosquée de La Courneuve dont j’ai pourtant été le secrétaire bénévole. On m’appelle d’ailleurs le “mécroyant” [sic]. Aujourd’hui, c’est même au tour de mes voisins de culture chrétienne de me rappeler mes obligations au moment du ramadan », confie, tout en se resservant un verre, ce petit homme, débarqué en France en 1991.« La génération Mitterrand est arrivée dans la magistrature et n’ose pas agir. C’est foutu »
Depuis quelques années, on n’y organise plus la fête de la Musique. Ça embêtait le voisinage, trop pieux, trop conservateur, trop majoritairement islamiste, et plus habitué aux bistrots ethniques — c’est-à-dire sans alcool — de la ville voisine de Bondy, où le café allongé de lait et servi dans des verres a remplacé la bière pression, et d’où les femmes sont absentes. Dans le coin, la seule pression qui existe est celle exercée par les islamistes.Autre front sur lequel la charia ne cesse de progresser et la République de reculer : le mariage. Ismaël s’est d’abord contenté de se marier religieusement mais, ajoute-t-il, « depuis, j’ai régularisé ma situation… Au bout de dix ans, je suis finalement passé devant le maire ». Un cas qui n’est pas du tout isolé. Nombreux sont les imams à outrepasser le code pénal, qui sanctionne pourtant le mariage exclusivement prononcé par un ministre du culte. « Qui se souvient d’une condamnation d’un imam pour de telles pratiques ? C’est pourtant puni de six mois de prison », souffle un avocat marseillais, « préférant rester anonyme pour des raisons commerciales [sic] », ses clients étant pour la plupart des musulmans. « On ne veut déjà pas faire retirer le voile aux femmes venues témoigner dans les procès… Alors, allez vérifier s’ils sont, en plus, mariés civilement… Les juges sont complexés. La génération Mitterrand, celle qui n’a connu que l’idéologie du “vivre-ensemble”, est arrivée dans la magistrature et n’ose pas agir. C’est foutu », poursuit-il.
La visibilité de la “chariaïsation” est désormais une réalité de coin de rue
La visibilité de la “chariaïsation” des relations personnelles, sans atteindre encore celle du Royaume-Uni, est pourtant désormais une réalité de coin de rue. Noorassur, une banque islamique, vient ainsi de s’installer à Nantes, à Pont-Rousseau, plus grand quartier de la capitale de la région Pays de la Loire. Elle se situe à dix minutes du centre-ville en tramway, dans un secteur assez mixte, constitué, d’un côté, de pavillons assez bobos et, de l’autre, de barres HLM. L’agence ne désemplit pas. Les fidèles musulmans y font souvent la queue. S’appuyant sur une armée de courtiers, cet établissement, fort de son réseau national, propose des placements et des assurances qui se fondent sur la loi uniquement musulmane. « Où va l’argent ? On sait très bien que les financements halal sont assez occultes. Et qu’ils servent à subventionner des mosquées, parfois pas très recommandables. Que font les pouvoirs publics ? », s’interroge le président de l’association Vigilance halal, Alain de Peretti. Comme les boucheries ou encore les pompes funèbres halal, ce genre d’institution vient accentuer davantage la formation de nouveaux ghettos identitaires, avec des acteurs et des décors qui alimentent, de plus belle, les théories du “grand remplacement”.
« Tout a changé à une telle vitesse, ici »
Valérie, Mulhousienne de 41 ans, s’amuse sur sa page Facebook à recenser les cafés fermés, photos de devantures à l’appui. C’est devenu quasiment un passe-temps archéologique dans cette ville où s’édifie une mosquée gigantesque, le centre An-Nour, sur un terrain qui fut, naguère, industriel. Pour une vingtaine de millions d’euros, ce lieu de culte pourra accueillir au total plus de 2 300 fidèles.« Tout a changé à une telle vitesse, ici », se lamente Valérie, qui ne prend plus les transports en commun « par peur de se faire caillasser » et garde avec elle « un Taser dans le sac à main, au cas où… » Le samedi, jour de soldes, on peine à reconnaître la ville. La rue du Sauvage, artère piétonnière du centre historique, est un défilé de femmes voilées, le marché de la place Franklin ne propose presque plus que du halal et les stands de foulards islamiques y pullulent. Comme si Mulhouse était vendu par pans entiers aux tenants d’un islam dur. Comme si le décor de l’ex-capitale du textile alsacien résumait à lui seul le détricotage de la France.
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