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lundi, 17 juillet 2017

Sobhy Gress : les chrétiens d’Orient doivent se libérer d’une soumission aveugle…

J’ai beaucoup d’affection et de respect pour Sobhy Gress, président de l’association Solidarité Copte Europe-France. C’est une amitié qui remonte à bien des années… Franco-Égyptien, Sobhy Gress est conseiller en entreprises et diplômé de plusieurs Universités françaises, mais il est aussi licencié en études religieuses du grand séminaire du Caire… C’est une attachante personnalité aux multiples facettes, qui m’a beaucoup appris sur le christianisme dans son pays natal : l’Égypte. Il vient d’accorder un entretien à Gédéon Pastoureau du blogue Mauvaise Nouvelle, dans lequel il s’exprime avec franchise sur la situation des chrétiens d’Orient, et en particulier celle des Coptes égyptiens, sur leurs difficultés passées et présentes, qui ne sont pas dues qu’à l’islam oppresseur… Prenez le temps de le lire…

Gédéon Pastoureau. Sobhy Gress, constatez-vous une évolution de la perception des Chrétiens d’Orient, en France, ces dernières années ?

Sobhy Gress. Certainement, et en particulier depuis les « Révolutions dans les pays arabes » de 2011 (Tunisie, Égypte, Syrie, Libye et par la suite au Yémen) ; mais avant celles-ci, dès 2003 date de l’invasion de l’Irak par les États-Unis et leurs alliés, les choses ont commencé à évoluer. La France, qui se disait protectrice des chrétiens d’Orient depuis les accords de capitulation du roi François Ier avec le sultan turc Soliman le Magnifique, ne l’est plus.

Néanmoins, certains politiques et associations catholiques, la diaspora des chrétiens d’Orient en France et en Europe ont beaucoup œuvré afin que le thème des chrétiens d’Orient soit souvent abordé dans certains média. Il faut ajouter à cela le dynamisme des associations, coptes, syriennes, chaldéennes et françaises telles que L’Œuvre  d’Orient, SOS Chrétiens d’Orient, Amitié franco irakienne, les Amis d’Égypte et bien d’autres, grâce auxquelles il y eut une évidente évolution de la perception des chrétiens d’Orient ; plus précisément, à chaque exaction islamique et à chaque attentat contre des églises ou contre des populations chrétiennes en Égypte, Syrie, Irak, Pakistan et Afghanistan, on a pu assister à des reportages télévisés, radiophoniques, et on a pu en lire dans la presse écrite. On peut aller jusqu’à affirmer qu’a eu lieu un phénomène de “mode”, comme si tout le monde voulait parler des chrétiens d’Orient.

G.P. Évoquer de manière générique les Chrétiens d’Orient ne risque-il pas de dissimuler la grande diversité des situations et des réalités vécues ?

S.B. Je ne pense pas, parce qu’il y a eu depuis 5 ans des actions concrètes unifiées : divers colloques, conférences, interventions de personnalités d’Orient en France, ainsi que l’arrivée d’évêques, des prêtres et religieuses de Syrie, d’Irak et d’Égypte, ont permis d’expliquer conjointement la situation dramatique des populations chrétiennes et de rappeler des faits historiques portant sur les spécificités de ces chrétiens qui affrontent, avec la force de leur foi, les discriminations et persécutions programmées, organisées tantôt par les États et tantôt par les Frères Musulmans ou/et par des groupes islamistes djihadistes.

Il y a donc un facteur commun entre toutes les situations de ces chrétiens d’Orient, à savoir qu’ils sont persécutés parce qu’ils sont chrétiens et, de ce seul fait, leur existence dans les pays à majorité musulmane incite à leur haine et à leur massacre. Cette présence dérange très profondément l’islam.

G. P. Le rapport à l’islam est un élément essentiel de la situation des chrétiens d’Orient : que pouvez-vous nous dire sur ce que vivent les Coptes égyptiens à ce niveau ?

SG. Le malheur des Coptes en Égypte réside dans le fait que leur présence en ce pays rappelle à la majorité des musulmans qu’ils étaient d’origine chrétienne et qu’en acceptant l’islam, ils ont renié la foi des origines ; par conséquent, ils se sentent coupables. La pratique de la religion chrétienne très stricte chez les Coptes (surtout orthodoxes) qui sont très ritualistes, traditionalistes et conservateurs, véhicule et entretient les valeurs égyptiennes traditionnelles, pharaoniques même. Cette pratique dérange grandement les musulmans qui n’acceptent ni l’altérité ni d’autres religions que l’islam.

G.P. Dans les livres et documentaires que l’on a pu voir consacrés aux chrétiens d’Orient, le mot de « martyre » semble occuper une place centrale. Dans la bouche même des autorités religieuses de certaines de ces communautés, le mot paraît presque épouser les contours d’un désir. Dans quelle mesure les chrétiens d’Orient envisagent-ils ce destin de martyre ?

S. B. En effet, les chrétiens d’Orient dans leur ensemble savent profondément que leur continuité sur les terres de leurs ancêtres, parmi des sociétés islamisées, consiste à être toujours prêts à accepter la mort pour défendre leur foi chrétienne. Évidemment, ils ne font pas don de leur vie machinalement ou automatiquement pour être martyr ; au contraire, ils font tout pour garder leur vie, car ils considèrent celle-ci comme un don de Dieu que l’on doit précieusement conserver. Néanmoins, le sens du martyre chez les chrétiens d’Orient est un choix crucial car il s’agit de ne pas renier sa foi dans le Christ ; s’il est placé face à une situation tragique, le chrétien d’Orient a tendance à accepter dans ce cas-là de donner sa vie à l’image de ses ancêtres martyrs.

Mais attention : ce n’est pas de tout le même sens que celui que revêt le martyre dans l’islam, qui présente une dimension volontaire et même impérative. Je ne connais pas de Coptes qui souhaitent a priori être martyrs et cela vaut également pour les autres chrétiens d’Orient ; tous veulent la vie, mais le mot d’ordre chez l’ensemble de ces chrétiens d’Orient peut être ainsi résumé de manière tragique : ne pas renier sa foi chrétienne quitte, s’il le faut, à mourir. La foi du Christ est leur vie.

G. P. On a vu les fameux Peshmergas combattre l’État islamique avec beaucoup de bravoure : des forces de défense chrétiennes locales , des milices du type phalanges de Gemayel au Liban, sont-elles envisageables, selon vous, en Égypte et dans les autres pays musulmans où sont enracinées les Églises orientales ?

S. G. Malheureusement non, en raison de l’influence négative de l’enseignement de l’Église en général. La “tolérance” et l’ “amour” des ennemis prônés par l’Église ne permettent pas à la population chrétienne d’Orient de porter des armes et de se défendre contre des agresseurs islamistes et terroristes. De plus, les autorités religieuses en Orient sont influencées par la position de l’Église catholique, le Vatican, en ce qui concerne la cohabitation avec l’islam afin de sauver le sacro-saint « dialogue interreligieux », remarquablement inefficace depuis son instauration après le concile Vatican II.

Personnellement, je crois qu’il va falloir aux chrétiens d’Orient se libérer de leur soumission aveugle aux religieux et prendre leur destin en main par tous les moyens afin de défendre leur existence dans leurs propres patries, leur dignité d’êtres humains et leur liberté de croire, tout simplement parce que je crois que quand on est fort, on se fait respecter. Le persécuteur islamique ou même les États musulmans se sentent forts parce que ceux qui se trouvent en face d’eux sont faibles ; c’est également le cas des États occidentaux et de l’Église de France.

Source : Mauvaise Nouvelle, 11 juillet

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