Les perquisitions décidées par la seule autorité administrative sous l'état d'urgence seront remplacées par le régime des "visites domiciliaires".
Source AFPLes préfets pourront désormais ordonner des perquisitions en dehors de l'état d'urgence. L'Assemblée nationale a adopté mercredi cette mesure phare et controversée du projet de loi antiterroriste. Face au risque de menace terroriste, le texte prévoit que les perquisitions décidées par la seule autorité administrative sous l'état d'urgence seront remplacées par le régime des « visites domiciliaires ». Mais elles devraient avoir l'aval du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Paris après un avis du procureur de Paris.
Ces visites, avec possible « saisie des documents, objets ou données qui s'y trouvent », resteront à l'initiative du préfet, à la différence des perquisitions judiciaires. Comme depuis le début des débats lundi, cet article sensible du projet de loi a été pris entre les feux croisés de la gauche de la gauche et des Républicains.
« Défoncer les portes »
Pour Alexis Corbière (LFI), cet article « touche à nos libertés publiques quand on débarque à six heures (du matin) chez nos concitoyens sur la base de faits approximatifs ». Pour le communiste Sébastien Jumel, le pouvoir du juge sera « théorique », n'ayant à sa disposition que peu d'informations. La gauche de la gauche a été soutenue par les trois nationalistes corses, qui craignent que cela « permette de défoncer les portes de militants politiques ».
En réponse, la majorité En marche !-MoDem a défendu une disposition permettant « de lever un doute rapidement sur la base d'une note de service de renseignement, dont la source ne peut être révélée » ni versée dans un dossier judiciaire quand elle est étrangère, selon l'ex-patron du Raid, Jean-Michel Fauvergue (LREM). La ministre Jacqueline Gourault (MoDem), qui remplace le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb « retenu au sommet franco-italien à Lyon », a fait remarquer aux communistes que d'autres autorités administratives (douanes, autorités de concurrence, inspection du travail...) procédaient à des « visites ».
Gérard Collomb avait souligné en commission que les perquisitions étaient aujourd'hui « beaucoup plus ciblées » : moins de 30 depuis juillet contre 3 600 dans les 3 mois qui ont suivi les attentats de novembre 2015. « À l'époque, nous avions 5 % de gardes à vue après ces perquisitions, aujourd'hui, nous en avons 50 % », avait-il fait valoir.
Pas de visite avant 6 heures
Opposée à la suppression de l'état d'urgence et réclamant le maintien des perquisitions administratives stricto sensu, la droite considère, elle, que l'intervention du juge va « compliquer la procédure » et ne permettra pas « une rapidité d'initiative », selon Guillaume Larrivé (LR).
Lors de leur audition, « le procureur de Paris, la DGSI, les gendarmes ont tous dit que ce dispositif était opérationnel, avec un juge des libertés et de la détention de permanence 24 heures sur 24 », a répondu le rapporteur Raphaël Gauvain (LREM), avocat de profession. Le préfet qui sollicite le JLD « aura la réponse dans l'heure, nous a-t-on assuré ». Appelant la droite à « l'unité nationale », l'ancien Premier ministre Manuel Valls, ex-socialiste siégeant au groupe LREM, a estimé que « la proposition du gouvernement était la plus équilibrée possible », rappelant que l'exécutif pourrait toujours rétablir, si nécessaire, l'état d'urgence.
La personne dont le lieu est « visité » pourra être retenue pendant quatre heures. La visite ne pourra être commencée avant 6 heures ni après 21 heures, sauf autorisation motivée du JLD fondée sur l'urgence de l'opération. Le FN Sébastien Chenu a ironisé « sur le refus de réveiller la nuit les terroristes ». Ces perquisitions ainsi que les assignations à résidence seront soumises à un contrôle parlementaire jusqu'à leur évaluation en 2020, en vertu d'un amendement socialiste qui prévoyait à l'origine un contrôle plus large, mais que la majorité a restreint.
Dans la soirée, les députés ont voté la création d'un nouveau crime pour davantage sanctionner les parents qui inciteraient leurs enfants à commettre des actes de terrorisme ou à partir à l'étranger dans ce but.
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