Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 03 novembre 2017

Quels remèdes à l’actuelle déréliction ?

Bernard Plouvier, auteur, essayiste ♦

Tous les profonds penseurs et les concepteurs de projets (mirifiques) de société idéale, qui ont proliféré depuis les années 1980, sont unanimes : il faut rassembler les Nations autour d’une grande idée maîtresse et leur rendre une appétence pour la spiritualité

Outre que la religion est, comme l’activité sexuelle, un choix strictement individuel, on ne voit guère de solution particulièrement innovante. De même que l’on n’apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces, force est de reconnaître que, depuis l’aube des temps historiques, voire avant, l’humanité s’est amusée à explorer toutes les formes possibles de spiritualité, sans qu’une en particulier ait réussi, en dépit de ses prétentions, à s’imposer de façon ubiquitaire, universelle, unique.

En 1929, un universitaire des USA, Joseph W. Krutch, a fait un tabac avec un livre, dont l’argumentation – excellente au demeurant – se résumait en quelques phrases. Aux USA, son livre, The modern temper. A study and a confession, est régulièrement réédité, alors qu’il n’a jamais été traduit en français (du moins à ma connaissance). « La théologie médiévale fait de la conduite de la vie une science exacte… Elle propose un plan de vie d’une délicieuse simplicité » (Krutch, 1929)… à condition de faire débuter cette sancta simplicitas au Ier siècle de notre ère et de mettre ces deux phrases au pluriel (car il a existé, dès les origines du christianisme, à peu près autant de théologies que de fortes têtes spirituelles), cette formulation est exacte.

Jusqu’à ce que les Lumières du XVIIIe siècle, puis les scientistes du siècle suivant s’en mêlent, les chrétiens étaient aussi heureux que les juifs ou les mahométans : pourvu qu’ils agissent de façon bonne, pure et droite (ou qu’ils se repentent amèrement en cas de faute et ne récidivent pas), ils étaient assurés d’être surveillés avec une affectueuse attention par la divinité, réputée ne vouloir que du bien à ses ouailles fidèles et les accueillir en son paradis (invention brevetée perse), si elles avaient fait plus de bien que de mal.

Même un athée doit reconnaître que ce schéma simple pouvait donner de bons résultats sociaux, sauf si un fou furieux s’estimait investi par sa divinité du soin de convertir tout ou partie des « infidèles ».

Martin Luther surenchérit même, au XVIe siècle, sur l’optimisme catholique. Les voies de la divine providence étant impénétrables, l’être humain devait suivre ce que dieu dictait à sa conscience : il ne s’agissait plus de libre-arbitre, mais de serf-arbitre… ce qui ouvrait la voie à une multitude d’interprétations, qui n’ont pas manqué.

Les progrès de la physique et de la biologie ont ridiculisé à jamais les fééries créativistes de la Genèse et rendus fort improbables certains « mystères ». Là-dessus, passa la tornade marxiste, dans laquelle de nouveaux Moïse des relations humaines promettaient un Eden terrestre, dans un avenir indéterminé et réservé au nouveau « peuple élu », celui des fils du prolétariat.
D’autres divinisèrent la Patrie et les Grands Ancêtres : Mustafa Kémal, Mussolini et les théoriciens nippons de la Plus Grande Asie, sont les plus connus. Un surdoué de la politique et de la stratégie, hélas atteint de paranoïa délirante, imposa le culte de la « race germano-scandinave » (ou Nord-Aryenne), d’où devait naître, au bout de mille ans de reproduction dominée par le racisme et l’eugénisme, la Surhumanité, rêvée par  Friedrich Nietzsche. Le nazisme et le marxisme débouchèrent sur la guerre et une série de génocides, le second mouvement accumulant infiniment plus de cadavres que le premier – qui avait davantage ciblé ses victimes, ce qu’on lui a reproché à juste titre.

De nos jours, toute spiritualité semble avoir disparu du discours médiatique. Dieu et l’assurance-vie éternelle ne sont plus que des produits de consommation, beaucoup moins demandés que les petits plaisirs du quotidien ou des vacances : prier ou se retentir sont choses moins amusantes qu’un jeu vidéo ou un gueuleton inhabituel.

Qui faut-il en accuser : les fabricants, les agents de publicité, la qualité des produits… ou, plus simplement, la veulerie des acheteurs ?

Il est évident qu’une grande civilisation a besoin de mythes fondateurs. Moïse, Jésus de Nazareth et leur émule Mahomet, Marx (Karl), Kémal, Mussolini ou Adolf Hitler ont donné des réponses… de moins en moins durables, du fait de l’accélération non pas « de l’histoire » – expression qui ne signifie rien -, mais des techniques au service de la violence et des ambitions.

En notre époque de profond doute existentiel et de veulerie grotesque, il reste deux possibilités, non liées à l’idée de divinité, mais qui ne les excluent pas : le culte des institutions ou le culte des grands ancêtres.

Dans la seconde option, c’est la Nation que l’on va glorifier, voire sanctifier. De fait, toute Nation a ses grands hommes et ses femmes d’exception. En France, tous les partis – de feu l’inénarrable PCF à l’Action française, en passant par les partis chrétiens ou populistes – ont annexé, un jour ou l’autre, la pauvre Barroise – que l’on a cru Lorraine- cette Jeanne d’Arc qui inventa le catholicisme nationaliste… ce qui était, effectivement, une hérésie !

Le mouvement nationaliste risque fort de dégénérer en mouvement régionaliste et, vues les conditions géopolitiques actuelles, cette dérive ferait le jeu des impérialismes : celui de l’islam ou celui de la globalo-mondialisation qui ne seront pas toujours alliés.
Le culte des institutions ne peut – en notre époque de gigantisme rendu obligatoire par la simple survie, face aux prédateurs cités au paragraphe précédent – déboucher que sur l’option impériale, du moins pour l’Europe, menacée de toutes parts.

Le schéma semble trop évident pour être accepté par les « élites » économiques et leurs serviteurs de la politique, des médias et de l’enseignement. Pourtant, le peuple, moins sot qu’il n’y paraît aux-susdites élites, sait fort bien que « l’union fait la force » et qu’il existe une réalité : l’Europe est le continent d’origine de la race blanche… même si cette évidence triviale semble un crime de la pensée pour nos « élites ».

Ces élites, qui les a ainsi proclamées ?

Si par élites, l’on entend les super-riches, maîtres du jeu économique, l’on risque fort d’être déçu : la malhonnêteté, la corruption et la débauche semblent former leur trinité noire. Si par élites, l’on entend les gouvernants, les leaders des médias, les universitaires réputés ou les moins gâteux des académiciens, l’on risque également de se tromper : ils sont tous, peu ou prou, au service du seul Pouvoir actuel, l’économique.

In fine, les Nations vont devoir se sauver elles-mêmes, lorsque notre monde factice s’écroulera. Il est probable qu’elles devront choisir entre l’atomisation régionale ou l’empire fédéraliste.

Source

Les commentaires sont fermés.