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mercredi, 15 novembre 2017

Domenico G., le djihadiste "branché combat" qui a voulu aider Abaaoud

Juste après les attentats de Paris, auxquels il a participé, Abdelhamid Abaaoud a pris le métro parisien pour revenir sur les lieux de l'attaque.

 

Après deux ans d'enquête, la justice a mis au jour de troublants liens entre ce Français d'origine italienne et le coordinateur du 13-Novembre. L'Express retrace le parcours de ce djihadiste inspiré "par la mafia napolitaine".

Il était au courant de la préparation des attentats du 13 novembre 2015. Depuis la Syrie, ce djihadiste français a même essayé, les deux jours suivants, d'aider Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des tueries, alors que ce dernier se terrait dans un buisson à Aubervilliers (Seine Saint-Denis). Pour cela, Domenico G. -alias "Abderrahmane al-Italy"- a sollicité, voire manipulé, sa soeur aînée pour qu'elle aille à la rencontre du terroriste. Et lui a fait ainsi courir le risque de devenir complice et de finir en prison.  

Comme l'a révélé Le Parisien, de longues investigations ont été menées ces deux dernières années sur Domenico G., 32 ans, Français d'origine italienne, converti à l'islam en 2012. Elles avaient pour objectif d'éclairer le parcours erratique et l'emploi du temps d'Abaaoud les cinq derniers jours précédant sa mort, lors de l'assaut du Raid à Saint-Denis. 

Un homme prêt à tout, "quitte à sacrifier ses enfants"

L'enquête permet de démontrer que le terroriste a tenté d'activer ses réseaux tous azimuts pour trouver une planque et préparer une nouvelle attaque. Selon l'analyse de l'une de ses lignes téléphoniques belges, Abaaoud a été en contact à de nombreuses reprises avec Anne-Marie G.*, 40 ans, une soeur de Domenico. Cette employée de bar a affirmé aux enquêteurs qu'elle ignorait totalement l'identité de son interlocuteur.  

En fait, c'est son frère Domenico qui l'a incité à prendre rendez-vous avec l'utilisateur du numéro, qu'il a présenté comme "un ami tranquille", sous prétexte de récupérer une somme d'argent. Les policiers pensent qu'il s'agissait d'un subterfuge pour aider Abaaoud -alors en cavale- à se cacher. Malgré les injonctions de son frère et une relance d'Abaaoud par SMS, la rencontre n'aura jamais lieu. Le cadre de Daech trouve finalement du soutien auprès de sa cousine, qui sera tuée en même temps que lui par les policiers. 

Mais Anne-Marie G. est restée traumatisée par l'épisode, stupéfaite du mauvais coup que lui a joué son cadet. Entendue en garde à vue fin novembre 2015, elle a finalement été remise en liberté sans charges retenues contre elle. Elle en a gardé une amertume contre ce frère, "prêt à tout" pour Daech, "quitte à sacrifier ses enfants", selon le témoignage de l'un de ses copains de quartier. 

Le 13 novembre, il appelle ses proches

Pendant un temps, les policiers se sont demandés si Domenico n'avait pas contribué au financement de la cause djihadiste, notamment par le biais de ses allocations familiales. Parti en Syrie dès février 2015, avec sa femme enceinte de cinq mois, "Abderrahmane al-Italy" a continué à percevoir mensuellement des prestations sociales de la CAF de Seine Saint-Denis. 

Le 5 novembre, selon un procès-verbal que L'Express a consulté, son compte bancaire est crédité de 612,44 euros. Plus surprenant, les enquêteurs découvrent, grâce à la vidéosurveilllance, qu'une jeune femme a retiré 450 euros sur le compte de Domenico, le 13 novembre, en fin d'après-midi. Si l'on ignore la destination finale de cette somme, l'enquête révèle que Domenico avait appelé sa soeur, la semaine précédente, pour lui demander de lui transférer en Syrie le montant de ses allocations familiales. Le 13 novembre, toujours, le djihadiste téléphone à plusieurs membres de sa famille. Dans quel but? Mystère.  

Un membre des "garagistes djihadistes" du Val-d'Oise

Sans être considéré comme un membre influent de Daech, Domenico G. est un proche de plusieurs djihadistes français cités dans des dossiers d'attentats. Avant de rejoindre le groupe terroriste, en passant par l'Italie et en prétextant d'ouvrir un magasin de chaussures à Milan, il semble se radicaliser entre 2013 et 2014 au contact du "groupe des garagistes" de Saint-Brice-sous-Forêt (Val-d'Oise). Son casier judiciaire comporte quelques mentions pour des délits de droit commun. 

L'homme est embauché en tant que mécanicien au sein de la société Auto services plus, un repère d'islamistes radicaux. Parmi eux, se trouvent Adrien Guihal, la "voix" ayant revendiqué depuis la Syrie l'attentat de Magnanville (juin 2016), et Macrème Abrougui, dont le nom apparaît dans la tentative avortée d'attaque d'une église à Villejuif (avril 2015). "A partir de ce moment, il regardait assidûment des vidéos de l'Etat islamique, affectionnant Daech, dont il évoquait la nécessité de rejoindre la cause pour combattre à leurs côtés", écrivent les enquêteurs dans un procès-verbal. 

"Pour lui, voler ce n'était pas grave si la victime est non-musulmane"

Très vite, le jeune apprenti prend ses distances avec les fidèles de la mosquée de Villiers-sur-Marne, où il avait ses habitudes. Il trouve ses anciens amis "pas assez pieux" ou leur reproche de fréquenter un institut religieux dont les cours dispensés sont mixtes. "Pour lui, voler ce n'était pas grave si la victime était un non-musulman [...] Domenico reprochait aux 'frères' de côtoyer des 'kouffars'", raconte aux policiers l'un des proches, mis en garde contre son côté "trop extrémiste."  

"Abderrahmane al-Italy" n'est pas très féru de théologie. Selon un autre de ses intimes, "il ne lisait jamais de livres" et passait son temps à surfer sur sa tablette. " Il était vraiment branché combat. La partie théorique ne l'intéressait que peu. Lui, c'était le djihad, les armes, la mafia napolitaine... Tout cela l'inspirait." En parallèle, il participe aux activités de Sanâbil, une association d'aide aux prisonniers musulmans dissoute récemment pour ses liens avec la mouvance djihadiste. 

Aux dernières nouvelles, fautes de renseignement sur son sort lors de la débâcle militaire de Daech en Syrie, Domenico G. est toujours considéré comme vivant. Selon une source judiciaire, il reste visé par un mandat de recherche international. Non pas dans le cadre de l'enquête sur le 13 novembre, mais pour "participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme". 

* Prénom modifié 

Boris Thiolay et Jérémie Pham-Lê

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