dimanche, 26 novembre 2017
La Cour de cassation pose des conditions à l’interdiction du voile en entreprise
En mars dernier, la Cour de justice européenne rendait un arbitrage fébrilement attendu, qui s’est avéré lourd de conséquences pour les femmes voilées revendiquant un droit au travail ô combien légitime, mais que la société environnante s’escrime à leur dénier, recroquevillée dans sa frilosité anti-voile : les magistrats, humant l’air du temps, ont en effet estimé que les employeurs avaient carte blanche pour proscrire les signes religieux au sein de l’entreprise.
Quelques mois plus tard, en ce mercredi 22 novembre, la Cour de cassation, tout en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice européenne, a rendu un jugement plus nuancé dans l’affaire de Asma.B. Cette ingénieure d’étude française revêtue d’un hijab, dont l’apparence extérieure n’avait ni été un frein à son embauche en 2008, ni posé de problème particulier au sein de la société de conseil qui l’avait recrutée, s’est brutalement retrouvée sur la sellette après qu’un client s’en soit offusqué.
Il aura suffi que cet individu très remonté se plaigne, non pas de son incompétence ou de son absence de rigueur, mais du voile qui lui entourait le visage, pour que la jeune femme soit confrontée à un cruel dilemme : retirer le voile de la discorde ou prendre la porte. Limogée pour faute en 2009, sans autre forme de procès, après avoir refusé un dévoilement sous la contrainte – son patron arguant que son voile dérangeait aussi certains de ses collègues – Asma.B, vivant cette mesure discriminatoire comme une terrible injustice, avait alors saisi les prud’hommes.
Ce fut peine perdue, puisque le conseil des prud’hommes, puis la cour d’appel de Paris, loin de trancher en sa faveur, ont rejeté ses demandes.
Dans son arrêt rendu mercredi, notablement moins hermétique, la Cour de cassation a estimé que les désirs du client de Asma.B de ne plus la voir voilée n’étaient pas des ordres, et ne pouvaient en aucun cas être considérés « comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante », de nature à entraîner un licenciement en cas de refus de s’y soumettre.
En outre, l’ordre donné à la jeune ingénieure d’enlever son voile était purement oral et n’avait pas été gravé dans le marbre d’un règlement intérieur ou d’une note de service. Le caractère discriminatoire du limogeage de la jeune femme ne fait donc pas l’ombre d’un doute.
Un employeur peut désormais édicter un règlement intérieur ou une note de service prévoyant que les salariés n’ont pas le droit de porter des signes religieux ou politiques sur leur lieu de travail, mais en respectant deux conditions essentielles : la première impose que cette clause soit « indifférenciée », en d’autres termes qu’elle ne vise pas qu’une seule religion, toujours la même… ; la deuxième, que cette règle interne ne s’applique qu’aux salariés ayant un contact avec la clientèle.
Parmi les précieux garde-fous instaurés par la Cour de Cassation, le licenciement abusif qui scelle le sort de la salariée voilée, jugée récalcitrante, ne pourra pas être décidé sans avoir envisagé, au préalable, la possibilité d’un reclassement, par exemple.
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