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jeudi, 07 décembre 2017

Pour comprendre. La mosquée d’Ayodhya : vingt-cinq ans de discorde entre hindous et musulmans

La violence qui s’est déchaînée le 6 décembre 1992 dans l’État d’Uttar Pradesh, supposée être le lieu de naissance du personnage mythologique Rama, a laissé des marques indélébiles en Inde. Elle laisse même planer une ombre sur les prochaines élections générales, qui auront lieu au printemps 2019.

La justice indienne a décidé de calmer les esprits qui s’échauffaient, à la veille du 25e anniversaire de la démolition de la mosquée d’Ayodhya, cité antique de l’État d’Uttar Pradesh considérée par les hindous comme l’ancienne capitale du royaume de Rama, le héros de l’épopée mythologique du Ramayana. Mardi 5 décembre, la Cour suprême de l’Inde a décidé “de suspendre la procédure d’appel” supposée fixer le sort de ce lieu hautement controversé, a annoncé The Indian Express, ajoutant que le dossier pourrait même être reporté de plus de dix-huit mois, “afin de ne pas interférer avec les élections générales” qui doivent se tenir au printemps 2019.

Destruction de la mosquée

Il y a un quart de siècle, le 6 décembre 1992, des fondamentalistes hindous prenaient d’assaut Babri Masjid, le lieu de culte musulman érigé en 1528 sur ce qu’ils considèrent être le lieu de naissance de Rama. Comme le rappelle The Hindustan Times dans une chronologie illustrée, l’endroit a été disputé durant de longues années et l’est toujours aujourd’hui, les nationalistes hindous souhaitant profiter de la présence d’un des leurs, Narendra Modi, à la tête du gouvernement, pour bâtir à Ayodhya un nouveau temple dédié à Rama. Le journal a retrouvé des participants à la destruction de la mosquée, dont Hajari Lal, qui est persuadé qu’un édifice de deux étages, reposant sur 212 colonnes”, verra bientôt le jour. C’était avant que la Cour suprême ne douche ses espoirs.

 La gauche indienne, constituée notamment des différents partis communistes du sous-continent, entend commémorer le 6 décembre comme “une journée noire”, indique le Deccan Chronicle, d’autant que cette date correspond à l’anniversaire de la mort de Babasaheb Ambedkar, le père de la Constitution, grâce à qui l’Inde est “une démocratie laïque”.

Violences interreligieuses

Les événements de 1992 avaient ouvert en Inde une longue période de violences interreligieuses durant laquelle plus de 2 000 personnes avaient trouvé la mort, dont 900 lors de terribles émeutes à Bombay, puis 250 autres dans différents attentats à la bombe, toujours à Bombay. Selon Asaduddin Owaisi, leader du principal parti musulman du pays (AIMIM), l’avenir d’Ayodhya reste “entre les mains de la justice” et ne doit pas être instrumentalisé “à des fins religieuses”, même si les fondamentalistes hindous “veulent en tirer profit pour les élections de 2019”, rapporte The News Minute.

The Hindu, de son côté, rappelle que la Cour suprême a relancé en avril dernier “les poursuites pour complot criminel” contre trois dirigeants de l’actuel parti au pouvoir, le BJP, accusés d’avoir incité les fondamentalistes hindous à démolir Babri Masjid il y a vingt-cinq ans. Dans l’hebdomadaire Open, l’écrivain et éditorialiste Swapan Dasgupta revient en détail sur cette journée du 6 décembre 1992 qui a laissé des marques indélébiles en Inde. La destruction de la mosquée d’Ayodhya marqua, selon lui, “la fin du consensus que Nehru était parvenu à établir après l’Indépendance”.

Construire un temple hindou sur les ruines de la mosquée

“Si les cercles intellectuels persistent à considérer que la construction d’un nouveau temple hindou dédié à Rama sur les ruines de la mosquée serait une offense au principe de laïcité inscrit dans la Constitution indienne, écrit Swapan Dasgupta, l’idée est en train de s’installer dans l’opinion que s’opposer à cette reconstruction représenterait un risque électoral énorme”, 80 % des Indiens se déclarant de confession hindoue.
Sur le site d’information The Wire, le journaliste Krishna Pratap Singh fait remarquer que si Yogi Adityanath, le prêtre hindou traditionaliste porté il y a quelques mois à la tête de l’Uttar Pradesh sous les couleurs du BJP, “rêve de construire le temple de Rama”, Narendra Modi, lui, “préférerait temporiser” afin d’assurer un large rassemblement sur son nom et garantir sa reconduction en 2019 pour un nouveau quinquennat. En décidant de ne rien décider pour le moment sur l’avenir d’Ayodhya, la Cour suprême aurait donc exaucé le vœu du premier ministre.

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