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dimanche, 17 décembre 2017

Les Valaisans ne voteront pas sur le voile à l'école

IslamLe Grand Conseil a invalidé une initiative de l’UDC prévoyant une interdiction. Un recours au Tribunal fédéral est envisagé.

«Faites vos saletés tout seuls!» Pressentant l’invalidation de son initiative «Pour des élèves tête nue dans les écoles publiques», l’UDC a quitté la salle du Grand Conseil valaisan vendredi matin. Le député Michael Graber explique le geste d’humeur de son parti: «Il est inacceptable que le parlement ne laisse pas le peuple se prononcer sur un texte signé par 4329 citoyens. Même si, sur le fond, je reconnais que le Valais a des problèmes plus graves que le voile à l’école.»

La majorité des parlementaires voient dans l’interdiction des couvre-chefs une mesure discriminatoire violant la liberté religieuse. «Nous savons pertinemment que l’UDC n’a pas de problème avec les casquettes et les chapeaux. Il s’agit d’une attaque détournée contre l’islam», a critiqué la députée de l’Alliance de Gauche, Margaux Dubuis. L’UDC reconnaît que sous un intitulé très général, son initiative vise l’islam. Ses élus évoquent surtout une manière d’éviter «le communautarisme et l’islamisation rampante de la société» au travers de signes religieux ostentatoires.

 
 

Contraire au droit fédéral


Le texte avait été déposé en 2016. La commission juridique du Grand Conseil et le Conseil d’État proposaient de soumettre au peuple un projet de loi en recommandant de le rejeter. Les députés ont toutefois opté pour la solution de l’irrecevabilité. Ils ont en effet estimé que, même acceptée, la nouvelle base légale ne pourrait jamais être appliquée, car contraire au droit fédéral. L’UDC valaisanne le conteste et envisage sérieusement de recourir au Tribunal fédéral (TF).

Avec quelles chances de succès? La réponse est incertaine, puisque aucun autre Canton ne s’est prononcé sur un projet de ce type. La Commune saint-galloise de Sankt Margrethen avait franchi le pas. Mais en 2016, le Tribunal fédéral a jugé anticonstitutionnel son règlement qui bannissait tout couvre-chef en milieu scolaire. Liées par cette jurisprudence, les écoles suisses ne peuvent pas interdire les voiles de manière systématique. La Haute Cour n’exclut toutefois pas la possibilité de bannir le voile si des circonstances particulières l’imposent. En clair: il faut que l’interdiction soit proportionnée et réponde à un intérêt public.

«Comme notre initiative était non rédigée, le parlement avait la possibilité de façonner un texte qui réponde à ces conditions, en n’étant pas discriminatoire et en ne violant pas la liberté religieuse», plaide Michael Graber.

Faux, rétorquent les opposants. «La marge de manœuvre est beaucoup trop ténue avec un texte qui prône des têtes nues. À cause de cette formulation, nous ne pouvons pas prévoir des exceptions pour le bonnet à la récré et le casque pour les sorties à skis. Or, il n’y a évidemment aucun intérêt public qui justifie pareilles interdictions», a argumenté en plénum le Vert Thierry Largey.

Une quinzaine de cas
Professeur de droit constitutionnel à l’Université de Neuchâtel, Pascal Mahon estime que la décision d’invalidation du Grand Conseil n’est pas surprenante. Le docteur en droit tire un parallèle avec l’invalidation l’an dernier de l’initiative fribourgeoise contre le Centre Islam et Société. «Le Tribunal fédéral a reconnu qu’il est licite d’invalider une initiative non rédigée si l’on peut clairement déduire qu’elle vise, même sans la nommer, une religion particulière.»

L’initiative de l’UDC valaisanne présente en outre de nombreuses similitudes avec le règlement saint-gallois porté devant le TF. Dans cette affaire, les juges de Mon-Repos ont considéré que le règlement communal était discriminatoire et violait la liberté religieuse. Ils ont aussi jugé que l’interdiction générale du voile en milieu scolaire était disproportionnée et ne répondait à aucun intérêt public.

En Valais, une quinzaine de jeunes musulmanes portent le voile, selon le chef du Service de l’enseignement, Jean-Philippe Lonfat. Plusieurs directeurs d’établissements contactés évoquent la question avec beaucoup de précaution, en insistant sur le fait que les voiles ne posent aucun problème. (TDG)

Romain Carrupt

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