Le Président français expliquait ainsi, dans l’entretien qu’il a accordé au site TSA (Tout sur l’Algérie) : « J’ai entendu beaucoup de jeunes tout à l’heure en remontant la rue. Certains me disaient : les visas. J’ai répondu : qu’est-ce que vous voulez faire. Ils ne savaient pas ce qu’ils vont faire. Mais avoir un visa pour la France n’est pas un projet. » Plus véhément, au jeune homme qui l’interpellait, l’enjoignant d’assumer « son passé colonial » et l’accusant d’« éviter le sujet », Emmanuel Macron a lancé : « Qui évite quoi ? J’évite de venir vous voir ? J’évite de dire ce qui s’est passé ? Mais il s’est passé des choses, comme je l’ai dit… Il y a des gens qui ont vécu des histoires d’amour ici. Il y a des gens, français, qui aiment encore terriblement l’Algérie, qui ont contribué et qui ont fait des belles choses, il y en a qui ont fait des choses atroces. On a cette histoire entre nous, mais moi je n’en suis pas prisonnier. Mais vous, vous avez quel âge ? » Réponse : « 25 ans ». Et Macron de poursuivre : « Mais vous n’avez jamais connu la colonisation ! Qu’est-ce que vous venez m’embrouiller avec ça ? Vous, votre génération, elle doit regarder l’avenir. »
Beaucoup de Français, rapatriés d’Algérie dans les conditions qu’on connaît, ne pardonnent pas au nouveau Président d’avoir, durant la campagne, qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ». Lui comme ceux qui le fustigent pour ces propos se heurtent au piège terrible de l’Histoire : on ne peut juger avec les critères d’aujourd’hui ce qui fut perpétré hier, mais on ne peut, non plus, nier les faits. L’autre drame, avec l’Algérie, est qu’on s’en tient souvent aux derniers « événements » des années 60, terme pudique pour qualifier cette guerre civile qui a déchiré la France « de Dunkerque à Tamanrasset ». Mais lorsque Macron propose de rendre à l’Algérie les trente-sept crânes des derniers combattants fusillés puis décapités après la reddition d’Alger et la prise de la smala d’Abd el-Kader par le duc d’Aumale en 1843, il a parfaitement raison.
On se demande, d’ailleurs, ce que ces trophées (?) découverts en 2011 dans les réserves du musée de l’Homme, à Paris, pouvaient bien y faire ! Arrachés au terme de massacres d’une sauvagerie inouïe, massacres d’ailleurs rapportés par les militaires et les historiens dans leurs mémoires (cf. la révolte de l’oasis de Zaâtcha, en 1849, qui fit près de 800 morts, vieillards, femmes et enfants compris), ils furent rapatriés en France et stockés dans les collections d’anthropologie. Pour quel usage ? Y cherchait-on un « gène » de la révolte ?
Je le redis, ce geste me paraît aujourd’hui indispensable. Rien ne justifie qu’on conserve ces restes mortuaires. Qu’on les restitue donc à leurs descendants, mais à la condition, toutefois, que le gouvernement algérien n’en fasse pas un usage propre à raviver inutilement les plaies.
Marie Delarue
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