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samedi, 23 décembre 2017

La colère du monde associatif face au «tri» des migrants

À visage découvert, ou pas, les associations d’aide aux migrants sont vent debout contre une circulaire du ministère de l’Intérieur.

Gilles Grandpierre

Largement soutenues par des fonds publics, les associations d’accueil et d’aide aux migrants sortent de leur habituelle réserve pour dénoncer, même à mots couverts, le nouveau dispositif de contrôle des étrangers qu’ils hébergent. Ainsi, dans l’Aisne, les responsables d’ Accueil et Promotion, principal acteur de la solidarité dans le département, renvoient invariablement au communiqué de leur fédération représentative, la Fnars. «  Parce qu’elles n’acceptent pas que les centres d’hébergement deviennent des annexes des préfectures, 25 associations ont saisi le Défenseur des droits, Jacques Toubon  », indique le texte.

 

migrants

 

En cause donc, une circulaire cosignée le 12 décembre par les ministres de l’Intérieur et des Territoires, Gérard Collomb et Jacques Mézard. En quatre pages, le document explique comment des «  équipes mobiles  » d’agents de préfecture et de l’office de l’immigration et de l’insertion (Ofii) seront désormais habilitées à intervenir dans les centres d’urgence pour vérifier la situation administrative des résidents, «  y compris pour leur permettre, le cas échéant, d’accéder à leurs droits ou à une orientation adaptée  ». En l’occurrence, les fonctionnaires de l’État pourraient donc être aussi porteurs de «  bonnes nouvelles  ». «  Ne soyons pas dupes. Il s’agit simplement de faire le tri entre les migrants économiques, les « dublinés » et les autres  », estime le Rémois Hervé Augustin, président de l’association Saint-Vincent-de-Paul et membre du Collectif 51 qui vient en aide aux migrants. «  Je comprends l’émotion de Jacques Toubon (NDLR : qui a demandé lundi le retrait de la circulaire). Ce dispositif est bien la preuve qu’en France, la non-assistance à personne en danger est toujours soluble dans une procédure administrative  », ironise M. Augustin, pour qui l’urgence serait de «  réquisitionner des logements vacants dans le parc HLM plutôt que de lancer la chasse aux irréguliers ».

« On ne peut pas, à la fois, accueillir, accompagner et contrôler »Pour la Fnars, ces contrôles, non seulement «  mettraient un point final au principe de l’accueil inconditionnel  », ils seraient surtout contre-productifs : «  Des personnes (dont des familles avec enfants, rappelons-le) n’appelleront plus le 115 pour être hébergées, et resteront à la rue, dans des squats ou des bidonvilles de peur d’être contrôlées et expulsées  », précise la fédération.

C’est également l’avis du directeur du Nouvel Horizon, implantation rémoise de l’Armée du Salut et plus gros centre d’hébergement d’urgence du Grand Est : «  Tous ces gens, on les retrouvera dehors alors que les associations, les communes parfois, s’échinent à leur trouver des solutions d’hébergement », redoute Philippe Wattier. Lequel décèle aussi dans la circulaire de redoutables perspectives  : « Nous ne pouvons être à la fois ceux qui accueillent et accompagnent, et les auxiliaires des contrôles. C’est d’autant plus improbable que nous travaillons tous les jours en bons termes avec les services de la préfecture. Qu’en sera-t-il demain ?  »

Vis-à-vis des migrants eux-mêmes, M. Wattier trouve «  curieuse  » la position de l’État : «  On peut être, comme je le suis, respectueux des lois de la République et s’étonner qu’on nous demande à la fois de nouer avec ces personnes des relations de confiance et de les blacklister.  »

Surtout, ces contrôles révéleraient, selon le directeur de l’Armée du Salut, un paradoxe et un dysfonctionnement : «  La situation administrative des migrants, on la connaît. Leurs dossiers sont constitués. Pourquoi l’administration voudrait-elle savoir ce qu’elle est déjà censée savoir ? Et s’il s’agit de repérer ceux qui sont sous le coup d’une « obligation à quitter le territoire », pourquoi charger les associations de participer à ce repérage alors que l’État lui-même n’est pas capable de mettre ces OQTF en application ?  »

Philippe Wattier voit enfin dans la décision du ministre de l’Intérieur «  un effet d’annonce » et lui trouve aussi une raison économique. « Pour mieux justifier les réductions de budget et la diminution de places dans les centres d’hébergement d’urgence, on renvoie aux associations la responsabilité du maintien de ces migrants sans statut sous couvert de maintenir leur personnel. »

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