Comme après l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, Viktor Orbán fut l’un des premiers à féliciter le nouveau chancelier autrichien Sebastian Kurz, investi lundi 18 décembre. Les médias magyars ont attentivement scruté les négociations menant à l’émergence de la coalition bleue-noire entre conservateurs et l’extrême droite [ÖVP-FPÖ] dans l’ancienne capitale de l’empire habsbourgeois commun, démantelé au sortir de la Première Guerre mondiale.

“Orbánisation” de l’Autriche

Les comparaisons des parcours d’Orbán et de Kurz, arrivés assez jeunes au sommet de l’État (31 ans pour Kurz, 35 ans pour Orbán en 1998), avaient d’ailleurs fleuri dans les colonnes magyares dès la mi-octobre, au lendemain de la large victoire de l’Autrichien aux élections législatives. Autre point de ressemblance relevé par les médias : les deux hommes veulent remettre l’Europe centrale au cœur du débat communautaire et sont partisans de la ligne dure sur la politique migratoire et l’islam radical.

 

“Deux bons camarades d’Orbán tiennent désormais l’Autriche”, ironise le portail Index, ajoutant que le “nouveau chancelier et le vice-chancelier Heinz-Christian Strache épousent sans réserve la ligne magyare dure sur l’immigration et les quotas de réfugiés, que Kurz et Strache rejettent continuellement depuis l’été 2015”. Le chroniqueur-philosophe Gaspár Miklós Tamás, sur le site de HVG, craint pour sa part une radicalisation insidieuse du pays :

Derrière son air charmeur et inoffensif, Kurz consacre la vulgate néofacsiste en agitant le danger islamiste et en montant son peuple contre les immigrés et les travailleurs détachés.”

Applaudissant l’avènement du “surdoué” viennois, la presse favorable à Orbán balaie les inquiétudes quant à une potentielle ultradroitisation de l’Autriche. “Le gouvernement autrichien n’a rien de nazi et Kurz a brillamment accumulé les voix dans son camp en saluant les dispositions prises par la Hongrie pour contenir le flux migratoire”, souligne ainsi Magyar Idők.

Divisions au sujet de l’Europe

Reste que Kurz, proeuropéen convaincu, diverge de son voisin hongrois, contempteur du “diktat de Bruxelles” et leader véhément du groupe eurosceptique de Visegrád, dans lequel le dirigeant autrichien refuse d’entrer, malgré les sollicitations répétées de Budapest et la volonté non dissimulée du FPÖ. “Orbán et Kurz semblent alliés, mais l’Autrichien aux puissantes ambitions régionales et européennes pourrait bien marcher sur les plates-bandes de son cher camarade magyar et le contraindre à des compromis”, relève Zoom.hu.

Déjà chef de l’exécutif magyar en 2000, lors de la formation, en Autriche, de l’alliance Schüssel-Haider, qui avait enflammé l’Europe et mené à des sanctions émanant de Bruxelles, Viktor Orbán bénéficiait du soutien du Parti hongrois de la justice et de la vie, d’extrême droite, qu’il tenait cependant à distance de son cabinet de centre droit. Un cas bien moins connu que le précédent autrichien.

Joël Le Pavous