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mercredi, 07 février 2018

«On n’éradiquera pas l’excision sans changer les hommes»

Le militant marseillais Kélétigui Coulibaly a choisi de s’adresser aux hommes pour lutter contre l’excision.

 

« On n’éradiquera pas l’excision sans changer les hommes » : conteur en langue bambara et militant associatif à Marseille, Kélétigui Coulibaly a choisi de s’adresser aux maris et aux pères pour faire reculer cette mutilation génitale des femmes.

 

 

Vous êtes l’un des rares hommes à vous battre contre l’excision au sein de l’association marseillaise de lutte contre cette tradition, Gams Paca. Pourquoi est-il crucial de s’adresser aux hommes ?

 

 

Kélétigui Coulibaly : Ce sont des mamans elles-mêmes qui m’ont demandé d’aller parler à leur mari, car si un homme y allait, au moins il l’écouterait. Je suis originaire de la Côte d'Ivoire et du Mali, issu d’une caste de forgerons dont les femmes deviennent traditionnellement les exciseuses, donc les hommes savent qu’ils ont affaire à quelqu’un qui les comprend.

 
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Il est fondamental de parler aux hommes, si l’on veut que l’excision s’arrête. Ce sont les hommes qui sont à la base de la demande de l’excision. Pour eux, si la femme n’est pas excisée, elle n’est pas prête pour être mariée. Il faut aller les voir pour leur en expliquer les méfaits : si plus aucun homme n’exige une femme excisée, l’excision va disparaître.

 

 

Comment faites-vous pour les convaincre d’abandonner ce qu’ils estiment être une tradition ancestrale ?

 

 

Confrontés au choc culturel de l’immigration, les hommes se raccrochent aveuglément aux rares choses sur lesquelles ils peuvent garder la main, dont l’excision de leurs propres filles. Ils n’ont souvent pas conscience des conséquences, des souffrances des femmes. Dans leur tête, quand ils ont un rapport avec une femme, et qu’elle gémit, qu’elle se plaint, c’est un gage de leur virilité, c’est qu’ils sont puissants. Moi je leur dis : « oui, vous êtes puissants, mais elle devrait gémir de plaisir, pas de douleur ». Il y a une grande méconnaissance. Petit à petit, on leur explique : « vous voyez bien que cette femme, elle n’a pas de clitoris », et les gens commencent à comprendre.

 

 

Il faut combattre aussi les idées reçues : ces hommes se disent « le clitoris est un organe qui permet à la femme d’avoir beaucoup de sensibilité. Si ma femme retrouve le sien, elle aura sans cesse envie, elle va passer derrière mon dos, faire l’amour avec le voisin ». Je dois expliquer que les femmes excisées ont le sentiment d’avoir perdu quelque chose, de ne plus être une femme.

 

 

Une fois que les maris ont compris que l’excision est une mutilation génitale, la partie est-elle gagnée ?

 

 

Il est important aussi de faire aussi des actions auprès des jeunes garçons. Systématiquement un papa qui est marié à une dame dont il a exigé l’excision avant le mariage conseillera à son fils de faire de même. Il faut que les jeunes garçons puissent répondre, pour essayer de mettre un frein à ça.

 

 

Et il reste du chemin à faire : en dix ans, je n’ai vu qu’un seul homme avoir l’idée de proposer à sa femme la réparation (chirurgicale). D’une manière générale, les hommes ont du mal à accéder à ce niveau de compréhension. Même lorsqu’ils ont compris que l’excision est un tort qui a été fait à leur femme, pour beaucoup, accepter la réparation, c’est comme accepter qu’ils ne sont pas compétents sexuellement. Un mari m’a dit « si elle veut retrouver son clitoris, c’est qu’elle n’est pas satisfaite. Qu’elle se trouve un autre homme ».

 

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laparisienne.com
 
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