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mercredi, 17 février 2016

"L’imam à la voix d’or" et ses relations dangereuses

Belgique

C’est, assurément, une première dans les annales terroristes en Belgique. Un imam, qui a reçu une formation dans une des universités les plus réputées au monde dans l’étude de l’islam, se retrouve sur le banc des prévenus dans un dossier de terrorisme . Contrairement à l’idée reçue, les présumés terroristes n’ont en effet généralement qu’une connaissance très parcellaire de la religion.

On reproche à cet homme d’avoir pris part à une filière d’acheminement de candidats au djihad en Syrie. Mais il nie tout discours radical et tout contact avec, comme le relève le parquet fédéral, de nombreux jeunes hommes partis se battre en Syrie.

Mohammed Benajiba est né au Maroc. Il ne parle pas français mais néerlandais, choisi, dit-il, car la langue présente des similitudes avec les sons de l’arabe. Eduqué dans une école coranique, il a parfait ses connaissances en Syrie et à l’Université Al-Azhar au Caire.

 

Entre chômage et CPAS

 

Il est arrivé en Belgique en 2005. Il a officié comme imam à Amsterdam, tout en vivant en Belgique. Il a été imam à Gand avant de venir à la mosquée Ettaouba à Evere, une des plus grandes de Bruxelles. Ce fut toujours des temps partiels, entrecoupés de périodes où il a vécu d’allocations de chômage ou du CPAS.

C’est là un parcours qui intrigue les juges car, malgré ses faibles revenus, il a fait de très nombreux allers-retours vers le Maroc, confiant sa carte de pointage à un ami. "Je ne savais pas que c’était interdit", dit-il candidement.

Ses prêches ont été diffusés sur YouTube. Il y était connu, en raison de la douceur de sa voix, comme "l’imam à la voix d’or". Il a changé physiquement. Comme quasi tous les hommes jugés pour terrorisme, il est rasé de près.

Il nie avoir jamais été radical : "Me prêter une telle appellation, c’est me dénigrer", dit cet homme qui se dit soufi et parle de lui à la troisième personne.

Sa seconde femme, de qui il a divorcé, l’a chargé. Elle a expliqué qu’il lui imposait le port du voile, l’empêchait de sortir seule, de voir d’autres hommes. Il le nie.

L’enquête a relevé que l’on venait de loin pour l’écouter à Evere, dans cette mosquée qui pouvait accueillir plus d’un millier de fidèles. C’était le cas des membres de Sharia4Belgium, venus d’Anvers. "Ils ne venaient pas que chez moi", dit-il de ces "gens un peu zinzins", qu’il conteste connaître.

Jean-Louis Denis et d’autres recruteurs condamnés seraient venus prêcher à sa demande dans la mosquée d’Evere. Là encore, il le conteste, affirmant que cela n’a rien à voir avec son éviction de la mosquée, qu’il attribue à des règlements de comptes internes.

Il officie aujourd’hui dans une mosquée à Anderlecht. Il garde un mauvais souvenir de son incarcération - "c’était indescriptible" - car il avait violé les conditions fixées à sa libération.

 

Une filière syrienne démantelée

 

 Cinq lieux visités par la police à Molenbeek, deux à Koekelberg et à Schaerbeek et un à Etterbeek : les policiers de l’antiterrorisme ont mené une nouvelle action mardi matin à l’aube. Dix personnes ont été emmenées pour interrogatoire. L’opération, a précisé le parquet fédéral, visait une filière d’envoi de combattants vers la Syrie. Les candidats djihadistes voulaient rejoindre les rangs de l’Etat islamique. Certaines personnes - le parquet fédéral ne peut préciser combien - ont réussi. D’autres personnes, parties en Syrie, sont revenues et ont fait l’objet des perquisitions menées mardi. 

L’enquête est dirigée par un juge d’instruction liégeois car les premiers indices faisaient état d’une candidate au départ - qui ne partira finalement pas grâce à sa famille qui a prévenu la police - installée en région liégeoise. Cette enquête, dit-on encore au parquet fédéral, n’a aucun lien avec les attentats de Paris. La cellule terroriste qui a été visée ne projetait pas d’actions sur le territoire belge ou en Europe. Ni armes ni explosifs n’ont été retrouvés lors des perquisitions. 

Ces cellules, dont plusieurs ont déjà été démantelées ou jugées, disposent de recruteurs et de logisticiens, chargés notamment de conduire les recrues vers les aéroports. Trois des dix personnes interpellées ont été placées sous mandat d’arrêt pour participation aux activités d’un groupe terroriste : un Français âgé de 25 ans, un Belge de 23 ans et une Belge de 31 ans.

 

Jacques Laruelle

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