dimanche, 06 mars 2016
Les contrôles « au faciès » en question
À l’occasion d’une affaire remontant au 24 juin 2015, l’État avait été condamné par la cour d’appel de Paris pour « faute lourde » dans cinq cas de contrôles d’identité jugés discriminatoires ; il s’agissait d’étrangers. En effet, les organisations internationales rappellent régulièrement que tout contrôle policier effectué sur la base de caractéristiques physiques est illégal.
Pourtant, suite à cette condamnation, l’État vient de se pourvoir en cassation. Son représentant devant la haute juridiction a fait valoir qu’agissant sur réquisitions du procureur de la République, laquelle visait d’éventuelles infractions à la législation sur les étrangers, les policiers qui n’avaient fait que respecter et mettre en œuvre les instructions du magistrat avaient donc agi légalement.
Juridiquement, rappelons que c’est sur la base des articles 78-1 et suivants du Code de procédure pénale que les officiers de police judiciaire et, sous le contrôle de ceux-ci, les agents de police judiciaire peuvent inviter à justifier par tout moyen de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Dans le cadre de réquisitions écrites du procureur de la République, l’identité de toute personne peut également être contrôlée dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat.
Pour certains médias, cette décision de l’État de se pourvoir en cassation revient à justifier les contrôles « au faciès ». En réalité, elle révèle plus certainement un changement de position par rapport à l’action des services de police qui, dans bien des cas, étaient peu ou prou livrés à eux-mêmes lorsqu’il s’agissait de contrôles d’identité visant en particulier des étrangers. Depuis de nombreuses années, sous la pression des instances internationales, les conditions légales pour effectuer ce geste élémentaire d’investigation devenaient de plus en plus difficiles à réunir. Bon nombre de procédures ont ainsi été sanctionnées, les magistrats ayant jugé que les enquêtes policières ne répondaient pas aux impératifs développés, en particulier, par les juridictions européennes.
Il est vrai que depuis ce 24 juin 2015, des faits particulièrement graves se sont déroulés dans notre pays. L’arsenal juridique, sans cesse plus complexe, mis à la disposition des forces de sécurité intérieure a révélé ses limites, et l’équilibre entre les impératifs de sécurité publique et le respect des libertés individuelles est devenu extrêmement fragile.
On ne peut que se réjouir de ce que l’État soutienne les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs missions. Il est grand temps que les équivoques soient levées et que les cadres juridiques propres à assurer la sécurité des Françaises et des Français soient clarifiés.
Reste simplement à espérer que la Cour de cassation suivra l’État dans ses conclusions.
Olivier Damien
08:49 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.