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vendredi, 11 mars 2016

Le pacte d’Ankara d’Angela Merkel

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La chancelière allemande a confié les clés de l’immigration en Europe à la Turquie… Et l’Europe s’est pliée à son plan.

L’Europe s’est soumise aux conditions de la Turquie sans lésiner sur la mise en scène. Les Vingt-Huit étaient tous réunis, ce lundi 7 mars, à Bruxelles. Ce devait être un Conseil consacré à la coordination des politiques pour affronter la crise des migrants ; c’est devenu un sommet euro-turc. On nous en promet d’autres, comme s’il fallait mieux souligner que l’Europe était à la merci d’Ankara.

À la veille du Conseil du 7 mars, les Européens nourrissaient toutes sortes de griefs à l’égard des Turcs. Ils estimaient que les autorités d’Ankara ne respectaient pas leurs engagements concernant le contrôle des migrants : elles étaient trop faibles dans la lutte contre les passeurs, elles avaient trop longtemps freiné l’intervention des garde-côtes de l’Otan pour assurer la surveillance en mer des trafics ; elles n’avaient pas fermé leur frontière avec la Grèce, laissant ce pays se faire submerger ; elles laissaient des centaines de milliers de gens venus de bien au-delà de la Syrie (depuis le Pakistan jusqu’au Soudan) franchir les points d’entrée depuis ce pays. La Turquie ne se privait pas en outre de se livrer à une guerre sans merci contre les Kurdes, ce qui aggravait encore la situation, tandis qu’elle laissait passer les convois de camions-citernes évacuant le pétrole clandestin produit par l’État islamique. Quant au respect des “droits de l’homme” ou de la liberté de la presse, il valait mieux ne pas citer ses manquements…

Bref, cette longue liste de griefs appelait une remise à plat et, pour appuyer leurs demandes, les Européens offraient déjà aux Turcs un plan d’action conséquent de 3 milliards d’euros. Ce qui était une manière de dire : “S’il vous plaît, M. Erdogan, comme nous sommes incapables de contrôler nos frontières, nous vous demandons de le faire à notre place.”

Le 7 mars, les Turcs ne sont pas venus à Bruxelles avec l’intention de répondre aux critiques. Ils avaient, disaient-ils, de “nouvelles propositions” à présenter ; c’est pourquoi il fallait faire durer la représentation. En fait, ces “nouvelles propositions”, c’était purement et simplement de la surenchère : jusque-là, ils réclamaient la libre circulation des citoyens turcs sans visa dans l’espace européen et le rapprochement économique avec l’Union ; maintenant, il leur fallait beaucoup plus, doubler l’enveloppe. Le plan d’aide qui était de 3 milliards le matin passait le soir même à 6 milliards.

Était-ce surprenant de la part de M. Erdogan ? À partir du moment où l’on avait laissé la Turquie nous faire chanter, elle n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Pour comprendre la dimension du chantage, il suffit de comparer ce que l’on attribue à la Turquie (6 milliards) par rapport à ce qui est prévu pour la Grèce (700 millions), alors que les deux pays sont les premières destinations de la même vague migratoire.

Or, qui s’est opposé au plan turc ? Aucun des vingt-huit membres de l’Union. Et pour quelle raison ? Parce que aucun d’eux n’avait le choix. C’était le plan de la chancelière et il n’y en avait pas d’autre… C’est elle seule qui, début février, s’était déplacée en Turquie pour négocier directement avec M. Erdogan, au terme de six réunions de travail, un “pacte d’Ankara” destiné à réduire l’immense flot de migrants qu’elle avait elle-même provoqué en ouvrant grand ses portes, le 5 septembre dernier.

C’était une folie, la suite l’a montré. Mais la chancelière rêvait alors que cette vague d’immigration puisse être une chance, celle de donner à l’Allemagne austère et égoïste une image de générosité, tout en venant combler les effectifs cruellement manquants de sa démographie — et elle pouvait se permettre d’y consacrer 20 milliards d’euros en comptant que ceux-ci reviendraient en dépenses de consommation. Mais n’avait-elle pas imaginé que cette vague allait charrier avec elle non seulement des djihadistes que l’on verrait à l’oeuvre à Paris, mais aussi de l’antisémitisme et de la délinquance dont les événements de Cologne, le 31 décembre, devaient révéler l’ampleur ? Les voisins de l’Allemagne se sont vite rendu compte des dégâts ; ils se sont mis à rétablir leurs frontières, à élever des barrages, et Viktor Orbán, le chef du gouvernement hongrois, qui passait pour le diable, il y a encore trois mois, parce qu’il s’opposait à l’entrée des migrants chez lui, est désormais imité partout. Pour la chancelière, l’échec était patent.

Il lui fallait une issue de secours. Elle est allée la chercher à Ankara. Comme si, en confiant les clés de l’immigration en Europe à la Turquie, elle ne nous faisait courir aucun risque ! Elle le sait pourtant : elle a sur son sol une communauté turque qui comptera bientôt 4 millions d’âmes (avec un taux de natalité double du taux allemand) et à laquelle Erdogan a publiquement recommandé de ne pas s’assimiler. S’il en allait ainsi, le pacte d’Ankara ne serait qu’un visa de plus pour le désastre.

François d'Orcival, de l’Institut

Source : Valeurs actuelles

 

 

 

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