mercredi, 16 mars 2016
A Pessat-Villeneuve, un répit qui dure pour les migrants
Une vingtaine de migrants venus de Calais sont hébergés dans ce village du Puy-de-Dôme, où ils peuvent souffler et ouvrir une demande d’asile. Certains vivent depuis quatre mois dans ce centre d’accueil et d’orientation qui doit fermer le 31 mars.
En quatre mois, le ventre de Merry a eu le temps de s’arrondir. Le 3 novembre, cette Érythréenne de 24 ans est arrivée enceinte dans le « centre d’accueil et d’orientation » (CAO), ouvert à Pessat-Villeneuve, un village du Puy-de-Dôme, pour des migrants venus de Calais.
Elle y vit toujours. « Je veux rester en France », assure-t-elle, assise sur un lit aux côtés de son mari Ali, un Soudanais rencontré en Grèce.
« C’était trop dur de vivre là-bas »
La future maman est la seule femme d’un groupe de 24 adultes qui étaient 48 à l’origine, originaires du Soudan en majorité. Tous ont accepté de quitter volontairement la « jungle » calaisienne et de répondre favorablement à la proposition des autorités françaises, qui souhaitaient désengorger le bidonville et offrir un temps de « répit » à ses occupants, avant une éventuelle demande d’asile. « C’était trop dur de vivre là-bas, je n’ai pas hésité », raconte Merry.
La jeune femme est donc montée dans un bus. Direction : l’Auvergne et une ancienne colonie de vacances d’Air France, aménagée dans le parc d’un château. Les migrants se partagent des chambres à deux ou trois lits dans deux petits pavillons de plain-pied, conçus au départ pour des enfants.
Le couple dispose d’une chambre dans un troisième pavillon qui sert aussi de bureaux à l’équipe de quatre personnes de Forum réfugiés-Cosi, l’association gestionnaire des lieux.
Lettres anonymes et tags insultants
Le domaine appartient à la commune rurale de 550 habitants. Son maire, Gérard Dubois, a fait partie des élus locaux ayant proposé d’accueillir des Syriens en septembre dernier. Recontacté par la préfecture, le premier magistrat a accepté de louer l’équipement municipal jusqu’au 31 mars pour créer un « CAO ». L’initiative lui a valu lettres anonymes et tags insultants… « Mais cela s’est calmé, souligne-t-il. Quand dix-sept nouveaux migrants sont arrivés, en janvier, il n’y a pas eu de réactions. »
L’hostilité des uns a aussi provoqué la mobilisation des autres. Quelque 70 bénévoles ont offert leurs services, pour donner des cours de français ou transporter ces hommes et cette femme isolés en pleine campagne.
Le village, sans commerce, se trouve à cinq kilomètres de Riom. « En voyant ce parc entouré d’un mur, certains ont cru qu’ils étaient en prison », raconte en souriant Amandine Salmon, chargée d’opération à Forum réfugiés-Cosi. À peine débarqués, cinq arrivants ont plié bagage. Trois les ont imités dans le groupe de janvier.
« Il a fallu du temps pour gagner leur confiance »
D’autres ont été tentés de suivre leur exemple, pensant que les formalités iraient plus vite ailleurs. « Il a fallu du temps pour gagner leur confiance et leur expliquer que cela allait être long, reprend la travailleuse sociale. Les choses ont avancé normalement. » L’objectif reste de démêler toutes les situations administratives d’ici au 31 mars. Si trois migrants souhaitaient seulement se « mettre au vert » et trois avaient déjà le statut de réfugié, les autres ont entamé une procédure pour rester dans l’Hexagone.
Depuis novembre, une trentaine d’entre eux ont ainsi pu quitter Pessat-Villeneuve pour rejoindre des centres d’accueil de demandeurs d’asile (Cada). Ceux qui se trouvent toujours là sont souvent des réfugiés ayant déposé leurs empreintes à l’étranger – dans ce cas de figure, un migrant doit normalement déposer sa demande dans ce pays, ce qui ralentit les dossiers. C’est le cas de Badr : « Je sais que les gens de l’association font leur travail, mais c’est long, c’est trop long », soupire ce Soudanais de 28 ans.
La routine est rompue grâce aux bénévoles qui les accompagnent régulièrement voir leurs anciens compagnons de chambrée aujourd’hui en Cada. Ce jour-là, Mahmoud, un Syrien de 24 ans, rentre de Vichy. « C’est un peu lent, mais je ne peux rien y faire, dit-il. On est bien par rapport à là où on était avant. On mange, on est au chaud. » Lui qui commence à bien comprendre le français rêve maintenant de faire sa vie en Auvergne.
En cinq mois, 3 000 migrants répartis
112 « centres d’accueil et d’orientation » (CAO) ont été ouverts un peu partout depuis octobre 2015 sur le territoire, au moins jusqu’au 31 mars. Leur objectif est d’offrir un répit à ceux qui renoncent à l’Angleterre au profit d’une demande d’asile en France.
3 000 migrants s’y sont rendus, dont 80 % ont bel et bien enregistré un dossier pour obtenir une protection. Mais à en croire une étude de la Fnars portant sur 27 organismes gestionnaires et réalisée entre le 28 janvier et le 15 février, « les personnes sont mal informées à leur arrivée dans les centres » dans 78 % des cas.
Pascal Charrier
08:29 | Lien permanent | Commentaires (0)
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