samedi, 19 mars 2016
Guerre d'Algérie : une commémoration contestée
François Hollande s'attire les foudres des harkis, de la droite et l'extrême droite en commémorant le cessez-le-feu décrété le 19 mars 1962.
La commémoration du 19 mars 1962, jour du cessez-le-feu en Algérie au lendemain des accords d'Évian, est contestée par de nombreuses associations d'anciens combattants et de pieds-noirs. Pour eux, cette journée ne marque pas la fin du conflit algérien, mais le début de l'exil et du massacre de civils et des harkis. Elle crispe également la classe politique. Dans une tribune publiée vendredi dans Le Figaro, l'ex-président Nicolas Sarkozy tonne ainsi contre la décision de son successeur. « Pour qu'une commémoration soit commune, il faut que la date célébrée soit acceptée par tous. Or, chacun sait qu'il n'en est rien, le 19 mars reste au coeur d'un débat douloureux », écrit-il. Nicolas Sarkozy note qu'en son temps, l'ex-président socialiste François Mitterrand « refusa catégoriquement de reconnaître cette date pour commémorer la fin de la guerre d'Algérie », sachant qu'après les accords d'Évian, « la tragédie s'était poursuivie pendant des mois ». Dénonçant « une provocation à l'encontre de l'ensemble de la communauté rapatriée et des harkis », le maire Les Républicains de Nice et président de la région Paca, Christian Estrosi, a prévenu qu'« aucune cérémonie » ne serait organisée dans sa ville samedi. Pour l'ancien président de l'Assemblée Bernard Accoyer (LR), François Hollande « commet une erreur et une faute contre la cohésion nationale ».
Marine Le Pen, présidente du FN, a pour sa part accusé le chef de l'État de « violer la mémoire » des anciens combattants et harkis. Afin de ne pas raviver les passions, Jacques Chirac avait choisi une date neutre, le 5 décembre 2002, pour inaugurer un monument célébrant la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie, mais aussi celles des combats en Tunisie et au Maroc. C'est devant ce mémorial, érigé quai Branly au pied de la tour Eiffel, que François Hollande prononcera samedi à 16 h 30 une allocution, avec pour idée de tenter « le compromis » pour instaurer « la paix des mémoires » sur ce conflit algérien qui exacerbe toujours les passions. « Je ne comprends pas qu'un ancien président de la République puisse pour des raisons politiciennes, peut-être de campagne électorale dans le cadre d'une primaire, raviver la guerre des mémoires », a déploré pour sa part le secrétaire d'État aux Anciens Combattants, Jean-Marc Todeschini
Redire « l'injustice du système colonial »
C'est à l'initiative de François Hollande qu'une loi avait été votée au Parlement le 6 décembre 2012 pour faire du 19 mars la « journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie », mais aussi « des combats en Tunisie et au Maroc ». Le 19 mars, « c'est une date qui renvoie à des mémoires qui ont été longtemps opposées dans la population française », reconnaît-on dans l'entourage du chef de l'État. Mais « l'ambition du président de la République, c'est d'embrasser toutes ces mémoires et de les faire entrer dans le récit de l'histoire de France (...) ça n'est pas de faire disparaître les douleurs, ça n'est pas de nier les morts et les drames, c'est de les rappeler et de leur rendre hommage », explique-t-on également.
Dans son discours, François Hollande devrait, comme il l'avait fait devant le Parlement algérien le 20 décembre 2012, redire « l'injustice du système colonial », mais sans verser dans « le registre de la repentance », précise un conseiller. L'historien Benjamin Stora, convié récemment à l'Élysée pour mettre en perspective devant la presse la démarche présidentielle, voit « un certain courage » dans la volonté de François Hollande « d'essayer de trouver une sorte de compromis, de consensus par rapport à cette guerre d'Algérie qui a bien du mal encore à passer dans l'histoire française ». Dans un texte transmis à l'Agence France-Presse par le Centre de documentation historique sur l'Algérie (CDHA), un collectif d'historiens proteste contre le choix du 19 mars, qui « ne peut être considérée ni comme la date d'un cessez-le-feu, ni comme la fin de la guerre d'Algérie » puisqu'elle fut suivie d'« une période de massacres et de violences sans précédent ».
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