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mercredi, 30 mars 2016

Attentats en Europe : la stratégie de Daech s’avère-t-elle efficace ?

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L’État islamique subit actuellement de sérieux revers en Syrie et dans une moindre mesure en Irak. Mais Daech a une stratégie mondiale, par l’utilisation du terrorisme, une politique particulièrement efficace et continue en Europe. Les attentats de Paris et ceux de Bruxelles ont des objectifs évidents : marquer à vif les populations pour qu’elles se sentent en situation de guerre, renforcer les courants « neutralistes » qui souhaitent le retrait des troupes des pays européens du conflit moyen-oriental, affaiblir des gouvernements qui semblent ne pas maîtriser la menace djihadiste dans leur propre pays.

L’autre face de cette stratégie est de favoriser des réactions xénophobes en Europe visant tout particulièrement la communauté arabe. L’ouvrage « Appel à la résistance islamique mondiale », d’Abou Moussab al-Souri, théoricien du djihadisme, a été récupéré par Daech et notamment l’idée d’une « zone grise », le lieu de coexistence des musulmans avec l’Occident, « entre le bien et le mal, le califat et les infidèles », explique le texte, citant Oussama ben Laden : « Le monde est aujourd’hui divisé. Bush a dit la vérité en disant : soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes, mais les véritables terroristes, ce sont les croisés occidentaux ».

Objectif ultime des attentats : faire monter l’islamophobie, imposer que les populations de confession musulmane soient victimes d’amalgame et d’actes violents de représailles afin de les pousser à la radicalisation. Les communautés immigrées européennes notamment pourraient ainsi, elles aussi, basculer dans le soutien à Daech.

Affaiblissement des réactions de protestation européennes

Cette stratégie, notamment mise en évidence par le chercheur Gilles Kepel, fonctionne-t-elle ? Pour l’essentiel, non. Et notamment du fait de manifestations d’unité nationale qui englobait les communautés étrangères comme lors de la manifestation de Paris, le 11 janvier après l’attentat contre Charlie Hebdo. Le refus de stigmatiser la communauté arabe en France fut encore plus net après les attentats de novembre, où un certain nombre de membres de cette communauté figurèrent parmi les victimes des attentats djihadistes.

Après Madrid en 2004 (191 morts), Londres en 2005, Paris en 2015, c’est maintenant Bruxelles, la « capitale » de l’Europe, qui vient d’être touchée par des attaques terroristes Mais les attentats se succèdent, épuisant un peu les manifestations de solidarité et de volonté d’unité. La répétition des attentats font décroître les mobilisations populaires de protestation.

« La répétition des attaques et leur caractère presque ‘attendu’ a aussi son importance, note le sociologue Gêrome Truc. Moins l’effet de surprise est grand, moins l’effet de sidération est fort. Il avait été particulièrement important en 2004 puisqu’il s’agissait du premier attentat sur le sol européen depuis le 11 septembre 2001 ».

Pour ce sociologue, ce n’est pas qu’un effet de lassitude mais la moindre mobilisation s’explique en partie par la crise de l’Union européenne : « « Aujourd’hui, face à la menace terroriste, l’UE a beau être frappée dans son cœur, les réactions des institutions européennes ont été moins fortes. L’UE est tiraillée de toute part. Au contraire, en 2004, après les attentats de Madrid, les Français s’étaient bien plus mobilisés que pour Bruxelles où très peu sont descendus dans la rue. On vivait notre 11-Septembre européen. À ce moment-là aussi, on allait vers la construction européenne, vers une union politique qui ne semble plus désirée aujourd’hui ».

Autre exemple donné par Gérôme Truc : après les attentats du 11 mars 2004 à Madrid, l’UE avait institué une journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme tous les 11 mars. La dernière en date fut célébrée à peine 11 jours avant les attaques du 22 mars. « Qui le sait ? », s’interroge le sociologue.

Montée de l’extrême droite dans l’UE

Aujourd’hui, la seule grande victoire de Daech a été de favoriser partout en Europe une extrême-droite xénophobe et ultra-sécuritaire. François Hollande a cru bon d’en rajouter dans l’affirmation sécuritaire en décrétant l’état d’urgence et en tentant d’imposer la déchéance de nationalité aux binationaux nés français, il n’a fait que diviser son propre camp sans minorer le Front national : Marine le Pen est d’ores et déjà assurée d’être présente au second tour des élections présidentielles de 2017.

Angela Merkel avait proposé une politique d’accueil très ouverte aux réfugiés syriens ? Son parti démocrate-chrétien vient de subir une vraie secousse aux dernières élections régionales partielles en Allemagne qui a vu apparaître pour la première fois depuis le nazisme, un parti d’extrême droite, l’AFD, sur le plan national.

Mais le véritable enjeu est ce qui se passe dans les communautés immigrés en Europe. Des chiffres inquiètent : estimés à 200 en France lors des premiers attentats de 2004/2005, les djihadistes sur ce territoire national seraient environ 2 000 selon le ministre de l’Intérieur et 1 200 supplémentaires seraient partis en Syrie.

Mais de nombreux signes montrent que la communauté immigrée, dans son ensemble, rejette aujourd’hui massivement Daech, mouvement qui ne propose qu’une caricature sanguinaire de l’islam.

Pierre Morville

Source : tsa-algérie

 

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