Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 30 mars 2016

Droite radicale : la fin de l'exception allemande

radicale-la-fin-de-lexception-allemande.jpg

« Affront national. »


C'est sous ce titre, en français dans le texte, que l'hebdomadaire Der Spiegel a commenté les résultats des récentes élections régionales en Allemagne. À l'annonce des chiffres, les termes de tsunami et de tremblement de terre sont revenus en boucle sur les plateaux de télévision. Un choc pour l'Allemagne. Elle vient de prendre conscience que la droite radicale fera désormais partie du jeu politique intérieur.

Qu'un parti de droite radicale puisse obtenir 10 % des suffrages, voire plus, comme cela a été le cas dans les trois länder ayant voté, était jusqu'à présent inimaginable. Pour des raisons historiques et constitutionnelles, l'extrême droite n'a jamais réussi à s'établir outre-Rhin. Il existe bien des groupuscules néonazis, dont certains présents dans des parlements régionaux, mais ils ont toujours été à la marge du jeu politique.

L'AfD (Alternative pour l'Allemagne) vient de briser un tabou. Créé il y a trois ans à peine en réaction à la gestion de la crise de l'euro, ce parti se nourrit aujourd'hui de la crise des réfugiés et des peurs dont elle s'accompagne. Et il a bien l'intention de poursuivre sur sa lancée populiste, en centrant davantage son discours sur l'islam.

L'Allemagne n'est plus une exception en Europe. Et il y a quelque chose d'humiliant à le reconnaître. Jusqu'à présent, le pays avait le sentiment d'être épargné par la vague de crispations nationales et de revendications populistes qui touche ses voisins européens. Ses habitants s'inquiétaient d'être pris en tenaille entre une Pologne aux mains des conservateurs eurosceptiques et une France déstabilisée par le Front national. Ils s'inquiétaient, mais observaient le phénomène de l'extérieur.

« Comme la France des années 2000… »Or soudain, ils s'aperçoivent que le repli national et le rejet de l'autre font aussi recette à l'intérieur. Un constat révoltant, écœurant - même si, et il ne faut pas l'oublier, une majorité d'électeurs a voté pour les candidats (de gauche !) soutenant la politique des réfugiés d'Angela Merkel.

Pour une Française vivant en Allemagne, comme l'auteure de ces lignes, les parallèles avec la France des années 2000, lorsque le FN est parvenu au second tour de la présidentielle, sont frappants. Les mêmes interrogations surgissent. On s'étonne de voir que les jeunes sont bien représentés dans l'électorat de l'AfD, en particulier à l'Est, et qu'une majorité de ses électeurs ne vient pas de l'extrême droite, mais des partis traditionnels. On s'interroge sur le malaise des classes moyenne et populaire, en perte de repères. On observe les anciens électeurs de la gauche radicale, longtemps bien implantée dans les nouveaux länder, se tourner massivement vers la droite radicale. Et on se demande quelle stratégie adopter face à un parti qui aime provoquer et rejette les consensus politiques : faut-il ou non se confronter à son discours ?

Ces questions dérangeantes, que d'autres en Europe se posent depuis des années, la société allemande devra à son tour y répondre. Cela aura un impact sur l'organisation de l'échiquier politique, plus morcelé - à l'italienne, notent certains commentateurs avec amertume -, donc moins propices aux coalitions stables. Mais aussi sur l'offre politique, qui devra tenir compte des inquiétudes et des doutes d'une partie de la population, qui n'est plus prête à se réfugier dans l'abstention.

Longtemps, l'Allemagne a observé ses voisins en proie à la montée de la droite radicale, à commencer par la France. Elle gagnerait aujourd'hui à tirer les leçons de leurs propres expériences.

(1) Claire Demesmay, responsable du programme franco-allemand à l'Institut allemand de politique étrangère.

Source : Ouest France

Les commentaires sont fermés.