samedi, 02 avril 2016
Pourquoi la Turquie multiplie les constructions de mosquées à travers le monde
Le président turc inaugure samedi une mosquée aux Etats-Unis. Des Balkans à Haïti, des projets similaires se multiplient. L'objectif de cette diplomatie religieuse est clair : étendre l'influence de la Turquie à l'étranger.
L’absence de Barack Obama gâchera certes un peu la fête. Mais l’inauguration, samedi, d’une mosquée flambant neuve dans le Maryland sera l’un des événements phares de la tournée du président turc Recep Tayyip Erdogan aux Etats-Unis.
L’édifice est le joyau du « Diyanet Center of America » : un vaste complexe comptant également un centre culturel et des bains turcs, et dont la mission est « d’éclairer la société au sujet de la religion grâce à des connaissances fondées sur les sources islamiques. »
De quoi provoquer des crispations dans un pays où Donald Trump a fait de la peur de l’islam un de ses arguments de campagne, promettant notamment d’interdire l’entrée des musulmans aux États-Unis s’il accède à la Maison Blanche.
Nostalgie ottomane
Ankara a déboursé 110 millions de dollars pour que cette mosquée, qui compte deux minarets et s’inspire d'un style architectural en vogue sous l’Empire ottoman au XVIe siècle, voit le jour.
A son apogée sous Soliman le Magnifique (règne : 1520-1566), l’Empire ottoman s’étendait sur trois continents – l'Europe, l'Asie et l'Afrique. Depuis leur palais de Topkapi, construit sur les hauteurs d’Istanbul, les sultans ottomans inspiraient un mélange de peur et de respect aux cours royales européennes.
Recep Tayyip Erdogan n’en a jamais fait mystère : il est nostalgique de cette période et veut restaurer la grandeur de la Turquie, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. L’islam fait intégralement partie de son projet politique et culturel.
Diplomatie religieuse
Ainsi, la Turquie multiplie les constructions et rénovations de mosquées à l’étranger depuis 2002, date de l’arrivée au pouvoir des islamo-conservateurs. Au départ, les chantiers ont été lancés dans les anciens territoires contrôlés par l’Empire ottoman, comme les Balkans, où l’héritage turc est encore prégnant.
Après la Bosnie, particulièrement choyée, le président turc a posé en 2015 les fondations d’une mosquée gigantesque à Tirana, la capitale de l'Albanie. « La Turquie estime qu'elle a une responsabilité vis-à-vis des musulmans sunnites, et pas seulement dans les anciens territoires de l’Empire ottoman », analyse Jean-François Pérouse, directeur de l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA).
Selon ce spécialiste, co-auteur de « Erdogan, nouveau père de la Turquie ? » , cette diplomatie religieuse relève d’une « logique de soft power » : un concept des relations internationales stipulant que la puissance d’un pays tient autant à son image, sa culture ou l’exemplarité de son comportement qu’à ses moyens militaires et économiques.
Recep Tayyip Erdogan aime vanter le « modèle turc », mélange de libéralisme économique, de démocratie et de conservatisme religieux. Si ce modèle a suscité quelque intérêt à ses débuts, il a pourtant du plomb dans l’aile. La raison ? L'inquiétante dérive autoritaire du président turc jointe à l’ambivalence de sa politique syrienne.
Adrien Lelievre
16:10 | Lien permanent | Commentaires (0)
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