mercredi, 13 avril 2016
Filière de Champigny-sur-Marne: de trois à dix ans de prison pour douze djihadistes
Les prévenus ont été condamnés ce mardi à des peines allant de trois ans, dont deux avec sursis, à dix ans d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Paris.
Le verdict est tombé mardi dans le procès de la filière djihadiste de Champigny-sur-Marne qui s'était tenu du 7 au 11 mars devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Les 12 prévenus ont été condamnés à des peines allant de trois ans, dont deux avec sursis, à dix ans d'emprisonnement. Par deux vagues successives, les 10 et 12 août 2013, les membres de ce groupe du Val-de-Marne, en banlieue parisienne, s'étaient rendus en Syrie. Plusieurs d'entre eux s'y trouvent encore, et ont été condamnés par défaut, en leur absence.
Parmi les prévenus figurent deux détenus qui ont été condamnés à sept et huit ans de prison. Trois autres condamnés comparaissaient libres sous contrôle judiciaire. Aucun d'entre eux n'a été incarcéré à l'issue de l'audience alors même que certains avaient fait leur sac pour se rendre au palais de justice pensant dormir en prison. Parmi eux, une jeune mère de famille de 27 ans, qui s'était rendue avec ses trois enfants en Syrie pour y rejoindre son mari. Elle avait transporté, dans sa valise, en soute, deux lunettes de visée. À ce moment-là, celle à qui son mari avait assuré faire de l'humanitaire, se doutait «qu'il combattait» en Syrie. Elle est aujourd'hui en instance de divorce. Son époux, qui avait dit vouloir mourir en martyr, n'a «pas l'intention de revenir». Il s'est remarié en Syrie et a eu une petite fille. Notant son «évolution positive», le tribunal correctionnel de Paris l'a condamnée à cinq ans de prison, dont trois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve. La partie ferme de sa peine peut être aménagée et purgée autrement qu'en détention. Son avocate, Me Daphné Pugliesi, a salué un jugement «équilibré, qui tient compte de ce que chacun a fait, mais également de ce que chacun est». Cette décision «lui donne une chance» et la possibilité de «s'amender» et d'élever ses enfants, a-t-elle ajouté.
Les sept autres membres de la filière sont sous le coup d'un mandat d'arrêt, soupçonnés d'être encore en Syrie pour certains, probablement morts pour d'autres. Ils ont été condamnés à des peines allant de trois ans, dont deux avec sursis, à dix ans d'emprisonnement pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Un jugement qui correspond aux réquisitions formulées par le parquet au terme du procès.
Mustapha Mraoui, l'«imam gourou» au cœur de la filière
Cette cellule de recrutement et d'acheminement depuis le Val-de-Marne vers les rangs de l'État islamique - la plupart des membres sont originaires de Champigny-sur-Marne - avait permis l'envoi en Syrie d'une douzaine de candidats au djihad à l'été 2013. Leurs proches avaient alors alerté les autorités qui avaient ouvert une enquête. Des entraînements en forêt de Fontainebleau, ils étaient passés à un pays en guerre. Radicalisés pour la plupart en fréquentant la mosquée Triton de Villiers-sur-Marne, ils décrivaient l'«imam» Mustapha Mraoui comme un «gourou». Un homme manifestement craint puisque l'un de ses coprévenus se disant «sous influence» préférait «prendre dix ans d'emprisonnement» que de subir les représailles de «l'imam». Selon la magistrate du parquet, Mraoui fait aujourd'hui partie des cinq hommes dans ce dossier qui «sont toujours sur zone», «ce qui laisse présumer qu'ils sont devenus de véritables guerriers» et en cas de retour en France «présentent un risque majeur de passage à l'acte».
Dans cette affaire apparaît également Mickaël Dos Santos, décrit par le parquet comme «le fanatique du groupe», qui a rejoint les rangs du groupe État islamique (EI) mais fait l'objet d'une autre procédure, criminelle celle-là. L'homme est connu pour avoir posté sur Facebook des photos de têtes coupées et s'être vanté de multiples exactions, avec des messages tels que: «La dernière fois que j'ai tué, c'était hier.» Fin 2014, il avait été un temps identifié sur une des vidéos de l'État islamique avant que sa présence ne soit contestée par des experts et par sa propre mère. Issu d'une famille catholique pratiquante, il se serait converti à l'islam et se serait radicalisé en 2009.
À travers ce dossier transparaît également le «drame humain» des familles de jeunes radicalisés qui partent faire le djihad, «l'incompréhension totale», la «détresse absolue», selon la magistrate du parquet, de ceux qui font tout leur possible pour convaincre un frère ou un fils de revenir.
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